détail d'une affiche - Paris, gare de Lyon

Tu crois far from the pictures longer le boulevard, traverser la place du marché, dévaler les escaliers du métro mais ce sont d’autres escaliers que tu descends déjà, la citadelle en face to face, un autre boulevard qui est un quai qu’on désosse, une autre place du marché que tu ne traverseras pas cette fois, far from ce trait passé and by yourself you would be lost. Tu entends que les portes sont en train de se refermer. Mais tu as beau courir, le ciel te lessive le corps, c’est comme ça. Remember d’ailleurs, remember : même ciel même lessive dans l’autre sens ‒ tu venais de quitter ta vi(ll)e en boucle, oh là là c’est compliqué. Image suivante : le train est à quai, la conductrice ouvre sa vitre, te fait signe, tu réponds : c’est gentil merci j’arrive.

― Est-ce qu’on ne se serait pas rencontré vous et moi, déjà, quelque part par hasard ?
― Ça ne me rappelle rien.
― Ça ne vous dit rien, ça ne vous rappelle rien ?
― Vous étiez sur la passerelle bleue et je me rapprochais de la ville pour la première fois depuis ma fuite, c’est ça ?
― La foule minuscule sur ciel électronique, ça ne vous dit rien ?
― Vous aimiez les voitures bleues, alors c’était vous ?
― Les visages impeccables, genre film z, ça vous rappelle rien ?
― Votre chambre s’ouvrait sur la jungle des villes, c’est bien ça ?
Shake the night shake the night-box... ça ne revient toujours pas ?
― Vous aviez des yeux tristes mais je vous poursuivais le nuit le jour c’est bien ça ?
― Allons voir ailleurs.
― Et les autres on en fait quoi ?
Personne personne n’a vu n’a vu rien du tout... longtemps qu’ils sont morts... longtemps que la tombe s’est ouverte... longtemps que les années les ont avalés... longtemps que tout s’est écarté... longtemps que les os ont parlé, que les cendres ont menti, longtemps qu’on n’y croit plus aux rebours, longtemps qu’on se sait loin (nous) des images, qu’on se sait loin de l’errance au front, loin de la route, de la poussière et de nos doigts sur les côtes.
― On ne va pas recommencer, on ne va pas poursuivre, la ligne s’arrêtera avant, vous le savez aussi bien que moi que tout ça n’a jamais été à ce point si bousculé. Fermez cette boucle. Fermez cette bouche. Bouchez les vues, ce paysage de déjà vu.
Vous n’auriez qu’un mot à dire dans la rue la journée...
― Va.
― Oui c’est ça.

Tu prétends attendre le train suivant alors que tu rejoins déjà cette chambre d’hôtel où le plancher craque. Tu crois porter ta valise alors que tu te surprends à ne plus te souvenir du nom de certaines rues. Tu penses lever les yeux mais tu sais déjà, season changing every hour, que la porte ne sera plus noire et que les sandales ne seront plus. Sur le miroir de la salle de bain, tu dessines alors le visage de ta-vie-sept-ans-plus-tard et celui de ton garçon puis tu redescends par l’ascenseur. Ici il n’y a pas de machine à remonter la ville-montre. Dehors c’est ciel sans étoiles, shadow blues, mannequins dans les vitrines, sacs recyclés empilés et nuit dominicale. Alors tu te mets à marcher à reculons dans ta ville d’avant, far from the pictures, les lacets défaits, calme, tes boucles coupées. Demain tu tremperas dans le thé des langues de chat.

les phrases en italiques sont toutes issues de l’album de Kat Onoma, Far from the pictures.

ChG – avril 2012

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Tiers Livre et Scriptopolis sont à l’initiative d’un projet de vases communicants : le premier vendredi du mois, chacun écrit sur le blog d’un autre, à charge à chacun de préparer les mariages, les échanges, les invitations. Circulation horizontale pour produire des liens autrement… Ne pas écrire pour, mais écrire chez l’autre.

Avril, nous on remonte le fil. Très heureux d’accueillir ce mois, à l’occasion des si fameux vases communicants, le non moins fameux Christophe Grossi, dont on suit le travail avec grand plaisir sur le blog Epagine et aussi le travail (l’autre) sur son site Déboîtements. Récemment souvenir d’avoir lu avec grand plaisir son road trip musical Va t’en va t’en c’est mieux pour tout le monde publié chez Publie.net. Avril, nous on remonte le fil : le thème commun de ce mois-ci, c’est le voyage dans le temps. Alors Christophe déambule là, chez moi, et moi partir à la recherche de son (sic) Kwakzibak à reculons ou à l’envers, chez lui.

Voilà la liste complète des vases communicants pour avril 2012 :

 Christopher Sélac et François Bon
 Isabelle Pariente-Butterlin et Hannah
 Louise Imagine et Christine Jeanney
 Juliette Mezenc et Benoît Vincent
 Samuel Dixneuf et Ferocias
 François Bonneau et Jean-Christophe Cros
 Danielle Masson et Éric Dubois
 Colette Maillard et Christophe Sanchez
 Anne Savelli et Gilda Fiermonte
 Joachim Séné et Edgar Kosma
 Christine Leininger et L.Sarah Dubas
 Catherine Desormières et Piero Cohen Hadria
 Camille Philibert-Rossignol et Franck Queyraud
 Sabine Huynh et Brigitte Célérier
 Nicolas Bleusher et Dominique Hasselmann
 Maryse Hache et Mathilde Roux
 Ana NB et Christine Zottele
 Lucien Suel et Laurent Margantin
 Guillaume Vissac et Christophe Grossi
 Daniel Bourrion et Xavier Galaup


vendredi 6 avril 2012 - dimanche 3 mars 2024




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Article publié Article 030224 GV il y a 19 heures
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Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).

Livres : Vers Velvet (Pou, Histoires pédées, 2020). Accident de personne (Othello, réédition 2018) · Le Chien du mariage (traduction du recueil d'Amy Hempel, Cambourakis, 2018) · Mondeling (avec Junkuu Nishimura, publie.net, 2015) · Coup de tête (publie.net, 2013, réédité en 2017) · Accident de personne (publie.net, 2011) · Livre des peurs primaires (publie.net, 2010) · Qu'est-ce qu'un logement (publie.net, 2010)