Nous sommes le six. Les mises en ligne d’Ulysse, en novembre 2015, faisaient une trentaine de lectures chacun. Nous en sommes revenus à des chiffres plus proches de 2013, c’est-à-dire une centaine. Mais parmi cette centaine de lectures, ce qui est en soi dérisoire, combien de vues non-humaines ? Toujours pas le moindre signe du plus petit rai de soleil, là. C’est juste blanc. On est donc dans le blanc. Et j’avance sans recul dans Ulysse : ce que j’avais pris, il y a plus de trois ans, pour une possible réécriture actuelle (un cortège de migrants traversant la ville dans notre version VS un troupeau de bœufs qu’on mène à l’abattoir chez Joyce) : plus compliqué qu’il n’y parait. C’est que plusieurs heures après cette scène, Bloom se retrouve dans un pub à manger et l’ambiance, la saleté, la grossièreté des autres clients le dégoutent. S’en suit une méditation intérieure sur le végétarisme et la souffrance animale : ces pauvres bêtes aux abattoirs, etc. Peut-il (le Bloom de 2021) penser cela sans avoir assisté, au préalable, à la transhumance des animaux vers leur exécution ? C’est un réseau de récits brefs tous interconnectés les uns aux autres et si tu déplaces quelque chose ici, tu vas le voir se répercuter là, plusieurs dizaines ou centaines de pages plus tard. Forcément des trucs m’échappent. Je fais des erreurs, quoi. C’est que je comptais précisément sur ce projet pour me permettre, ce livre, de le lire enfin pleinement. Tout l’après-midi sur « Bara no hanayome » dans une sorte de fièvre : la fièvre de l’insatisfaction. C’est qu’il faut faire rentrer les corrections effectuées hier sur papier dans l’écran (des fois ça ne passe pas). Il y a cet album étonnant, Hush. Est-ce que ça m’aide ? Les incursions du futur (c’est-à-dire notre présent) dans le passé musical illustre, c’est toujours une espèce de déclic. Pourquoi ne faisons-nous pas la même chose avec des textes classiques ? Ce que je fais d’Ulysse, ou du moins ce que j’essaye d’en faire, est-ce ça ? L’amie prodigieuse 1 : et je faisais comme si ce n’était rien alors que c’était tout.
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♙Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).Livres : Vers Velvet (Pou, Histoires pédées, 2020). Accident de personne (Othello, réédition 2018) · Le Chien du mariage (traduction du recueil d'Amy Hempel, Cambourakis, 2018) · Mondeling (avec Junkuu Nishimura, publie.net, 2015) · Coup de tête (publie.net, 2013, réédité en 2017) · Accident de personne (publie.net, 2011) · Livre des peurs primaires (publie.net, 2010) · Qu'est-ce qu'un logement (publie.net, 2010) |