Je commence à lire un truc jusqu’à ce que je me rende compte, au tiers de ça, que je l’ai déjà lu il y a plusieurs années. Je fais chauffer des pâtes et, une fois que l’eau boue, j’ai pas envie de manger des pâtes, d’ailleurs j’ai même pas faim. Quand je dis quelque chose on ne m’écoute pas, ou alors si mais on passe outre, c’est à se demander pourquoi on me demande mon avis. Je me lance dans l’écoute d’une série d’émission de feu « Pas la peine de crier » sur le silence, qui date de 2013 et je me dis voilà où j’aurais mieux fait de faire mon nid, dans le silence, et fatalement j’en viens à ne rien écouter du tout de cette parole continue sur le silence, qui n’est donc pas le silence, et c’est comme un bruit de fond derrière les bruits de fond de la vie, ça (ou bien, qui sait, de la ville ?). Peut-être qu’être heureux, c’est pouvoir saisir le silence. Non pas nécessairement n’entendre que lui mais le distinguer de tous les autres sons, et surtout le distinguer de tout le rouage permanent de notre monde. J’arrive à être bien quand je peux me situer par rapport à lui et donc, fatalement, à savoir où (ou quand) il se trouve. Là seulement, on peut être, je ne sais pas, léger peut-être ? C’est comme cette phrase de Rick Bass au sujet d’Amy Hempel, tirée de son livre Sur la route et en cuisine avec mes héros, et dont Franck Queyraud me fait l’amitié de me recopier un passage entier qui lui est consacré : Pour être un grand écrivain, il faut posséder la psyché d’un bœuf ou d’une mule, mais vous aurez aussi tout avantage à être joyeux, sans poids. Amy, sans conteste, a eu sa part de joie. Mais là, j’en suis surtout à un point où j’ai besoin de ressentir rien (ce qui est encore différent de ne rien ressentir). C’est une nécessité après des fortes périodes de douleur, besoin de rééquilibrer la balance. Là : balance des émotions et, à bien y réfléchir, il suffirait plutôt de prendre de la distance avec tout, ne rien attendre de rien, ne rien espérer, ne rien désirer, et s’en remettre à un flux continu, par exemple, celui du Canto Ostinato repensé pour le synthétiseur, qui est un truc assez étrange, en constante métamorphose de lui-même, jamais là où on croit qu’il est et, il faut bien le dire aussi, assez argenté, new-age. Et voilà ce que je tente d’expliquer assez maladroitement à H., d’une voix la plus monocorde possible pour ne surtout pas déborder ni d’un côté ni de l’autre (mais de quoi ? d’une ligne de crête ? d’une sensibilité ? d’affects ?), le plus froidement possible donc, sur les marches de la BNF en mangeant un hot-dog au guacamole malheureusement noyé sous de la mayonnaise industrielle et blanche, deux heures après qu’une dernière émotion soit comme montée en moi et que je l’ai laissée là, quelque part engluée dans le temps.
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♙Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).Livres : Vers Velvet (Pou, Histoires pédées, 2020). Accident de personne (Othello, réédition 2018) · Le Chien du mariage (traduction du recueil d'Amy Hempel, Cambourakis, 2018) · Mondeling (avec Junkuu Nishimura, publie.net, 2015) · Coup de tête (publie.net, 2013, réédité en 2017) · Accident de personne (publie.net, 2011) · Livre des peurs primaires (publie.net, 2010) · Qu'est-ce qu'un logement (publie.net, 2010) |