Le bruit des avions de la Patrouille de France survole la ville et j’ai un Tchernobyl dans chaque œil. Non la douleur mais les radiations oui. Là, quelqu’un me dit merci par écrit, juste ça, et moi ce que je comprends en réalité : tu sers à rien. C’est un brin violent quand même. C’est un truc que dit L., tu sers à rien, consciente que c’est un brin violent quand même. C’est comme mange tes morts sauf que, mange tes morts, L. ne le dit pas. Elle trouve ça trop violent. Ça aussi, c’est violent : alors que j’erre dans des rues à 28° en quête de Téalose non remboursé (j’ai perdu l’ordonnance) et que j’en suis à naviguer entre la bande-son de Labyrinth et « Absolute Beginners », voilà que le son d’un coup décroit : Protection auditive : Une écoute audio prolongée à un volume plus élevé que le niveau actuel peut endommager votre audition. Je suis sûr que la personne qui a inventé ce machin et l’a inclus dans la dernière mise à jour (?) d’Android n’a jamais essayé d’écouter « Absolute Beginners » dans le métro à ce volume. On n’entend rien. Et je n’arrive pas à le défaire. Ce monde devient de plus en plus doré à mesure qu’on se parle. Et on est à deux pas de finir dans celui dévasté de Dragon Head où, au chapitre 47, on assiste malgré tout à une magnifique « Pietà à l’hélicoptère ».

Y’a pas de poète en mer. Y’a pas de poésie en mer. Si seulement on avait le temps, on aurait autre chose à faire que méditer sur la mer ; en mer y’a pas de mer. Y’a un bateau et quatre bonhommes pour le tenir. En mer, y’a le poisson, et le bateau c’est que pour le poisson qu’il est là, c’est pas pour la mer. Le fait que le poisson se planque dans la mer n’a que très peu de chose à voir avec le fait que la mer est remplie d’eau, je sais pas si tu comprends.

Benoît Vincent, L’entreterre, Les inaperçus, P.39