L’extrait suivant est tiré d’une communication d’Alexandra Saemmer à l’occasion du colloque François Bon organisé en 2007 par l’Université de Saint-Etienne. J’ai un souvenir assez précis du colloque, mais pour cette intervention je n’y étais pas. Je me souviens, c’était samedi, matin, j’avais sûrement préféré dormir. Ce qui est intéressant dans cet article (mise à part la matière de l’article elle-même) c’est qu’il s’attache à décrypter un objet littéraire qui n’est déjà plus, car entre temps, le site web a changé : le tierslivre face B n’est plus « comme un négatif », en fond noir et police blanche (de la même façon, la version numérique de Tumulte n’est plus accessible) : la littérature web, vivante, continue d’évoluer en permanence et la critique, qui fixe ce sur quoi elle travaille, est déjà en retard. Et c’est aussi matière à déception : le colloque datant de 2007, les actes ont été publiés papier en septembre de cette année, soit plus de trois ans après. Cet article, « L’écriture numérique de François Bon », pourtant très pointu et proposant une analyse poussée, est complètement anachronique à présent : on parle d’une vie littéraire numérique sans Publie.net, sans liseuse ni tablette et même (même !) sans smartphone type tactile. Façon pour nous aussi de pouvoir mesurer ce que ces 3 ou 4 ans ont apporté et comment s’est développé, transformé, depuis, ce qu’on appelait alors « l’internet littéraire ».
La matière textuelle sur support numérique inclut d’abord un pourcentage élevé d’information non verbale : le curseur indiquant la présence de l’auteur / du lecteur dans un texte ; la signalétique des marques de liens (particulièrement élégant chez François Bon) ; des flèches, des lignes, des logos, des boutons. Grâce à l’hypertexte d’un côté, et d’un autre côté grâce aux jeux sur la police et les couleurs des lettres et des fonds de page, c’est aussi la matière textuelle elle-même qui se transforme. Pendant quelque temps, le tierslivre de François Bon affichait deux faces : la face blanche avec son écriture noire était tournée vers le jour, le grand public ; immédiatement accessible, elle constitue toujours le modèle graphique le plus courant de tierslivre.net. La face noire avec son écriture blanche était plus cachée, imprédictible et instable. La relation intersémiotique entre texte et couleur nous faisait percevoir cette deuxième face du site comme un « négatif » au sens photographique, ou encore comme une plaque de gravure qui contaminait métaphoriquement la face lumineuse du tierslivre.
Alexandra Saemmer, « L’écriture numérique de François Bon », in François Bon, éclats de réalité, Publications de l’Université de Saint-Etienne, P.253-254.
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♙Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).Livres : Vers Velvet (Pou, Histoires pédées, 2020). Accident de personne (Othello, réédition 2018) · Le Chien du mariage (traduction du recueil d'Amy Hempel, Cambourakis, 2018) · Mondeling (avec Junkuu Nishimura, publie.net, 2015) · Coup de tête (publie.net, 2013, réédité en 2017) · Accident de personne (publie.net, 2011) · Livre des peurs primaires (publie.net, 2010) · Qu'est-ce qu'un logement (publie.net, 2010) |