Ahmed Slama



  • 240319

    27 avril 2019

    Ces jours-ci, je suis bien. Et ce même si je fais les frais, parfois, d’une sorte de tourbillon de douleurs éparses, éclatées, acérées, passagères, inflammables. Il me semble que ça vaut la peine d’être consigné ici. Je comprends les mécanismes à l’œuvre dans les textes que je lis et/ou j’écris mais aussi (et c’est peut-être au fond fondamentalement la même chose) dans mon propre corps. C’est passager peut-être. Mais si c’est arrivé cette fois-ci, c’est sans doute que cela peut être reproduit ou étendu à une période de temps plus ample. Là, j’oscillais entre ces passages les plus difficiles des provinces du Nord, ceux que l’on nomme le « Fils-ignore-le-père », le « Père-ignore-le-fils », le « Recul-du-chien » ou le « Renvoi-du-cheval » 1 et cette table en fer forgé, ronde et bleue, toute mordillée de rouillures 2 qu’il y a dans Orance, d’Ahmed Slama, un livre qu’on croirait mystérieusement habité par d’autres voix que la sienne, et qui se propose de mettre la ville d’Oran sous une cloche de verre des passions tristes 3. Une langue à la fois élégamment classique, mais aussi par endroits plutôt préfigurant demain. Une langue qui sait lier et délier les désirs et les rues de la ville, les fils émaciés de l’errance de chacun, les rêves passagers et les regards : Prunelles affûtées par les sourcils lestement pincetés. À défaut d’émoi charnel ; nous goûtons le plaisir de l’âme. L’amour oculaire. Ce sont nos rétines que nous pénétrons... 4. À bien d’autres égards, c’est également un roman de la compression et de la dilatation des temps, capable aussi bien de se cristaliser dans des instants d’une infinie finesse comme de s’étendre 5 brutalement par le jeu de micro phrases télégraphiques.

  • L’histoire du poltron, par Ahmed Slama

    23 mai 2020

    Chambre d’hôtel, décor rococo, moulures au plafond et aux fenêtres, un rayon perce, termine sa course contre le pied du lit, défait, deux corps, lui, nu, couché sur elle ; elle dévêtue,

    Silence

    Widad وداد – ‘vais te raconter l’histoire du poltron,
    ***** – pourquoi ?
    Widad وداد – te dérider, je te la fais courte, t’inquiète,
    ***** – courte ! tu la trouves courte ?
    Widad وداد – comment ?
    ***** – tu trouves que j’en ai une petite ? c’est ça ?
    Widad وداد – ‘parlais pas de toi, andouille, c’est l’histoire que je vais faire courte,
    ***** – ok,
    Widad وداد – alors, c’est un gars qui…
    ***** – i’ s’appelle comment ?
    Widad وداد – quoi ?
    ***** – le gars dont tu causes, son nom, c’est quoi ?
    Widad وداد – ‘sais pas,
    ***** – pas crédible,
    Widad وداد – bref, ce gars
    ***** – qu’a pas de nom,
    Widad وداد – il tombe amoureux d’une femme qui
    ***** – j’imagine qu’elle, aussi, a pas de nom,
    Widad وداد – les noms, les noms, on s’en caille des noms, c’est l’histoire qui compte, l’important c’est le rapport entre les personnes, les relations, tu crois que je les connais, moi, les noms de mes clients ?
    ***** – pas besoin de gueuler,
    Silence.
    Widad وداد – où j’en étais ?
    ***** – ’sais pas, je te suivais pas,
    Silence.
    Widad وداد – ha oui, l’histoire du poltron, ça commence avec du classique, le gars qui repère une femme, comme ça, dans la rue, une parmi la centaine qu’il croise tous les jours, pourquoi elle ? même lui sait pas, un rien, un petit quelque chose qui lui fait sentir que bon, il veut continuer à la regarder, il la suit, à distance quand même histoire de pas se faire remarquer, ça commence par le boulevard معطى [Mâtaa], il veut voir où elle va, surtout si elle a quelqu’un, un copain, truc dans le genre, et là, il devait être quoi ? neuf heures ? elle entre dans une librairie, il ose pas la suivre, il attend devant, une demi-heure, une heure, une heure trente, elle sort pas, il continue d’attendre, et ça tombe bien, juste en face de la librairie y a un café, il y va, à reculons, histoire de pas perdre des yeux la porte de la librairie, au comptoir, son café, il le commande sans regarder le gérant, balance deux trois pièces sans demander la monnaie, il boit, concentré sur la porte de la librairie, il l’a même pas senti le café, on aurait pu lui servir de la pisse qu’il s’en serait pas rendu compte, bon, y a des gens qui sortent, des gens qui rentrent, aucune trace d’elle, il jette un œil à son portable, ça doit bien faire trois heures, c’est louche ! son café allongé, rallongé, bu à p’tites lampées, inquiet, inquiet pour elle, alors oui, il la connaît pas, mais quand même ! trois heures dans une librairie, pas normal, il écrase le gobelet, à petite foulée va vers la librairie, il se voit déjà, s’imagine genre super héro qui défonce tout, avance décidé, prêt à la castagne, genre il va la sauver, elle tombera alors dans ses bras, porte ouverte, il tombe sur elle du coup, elle à la caisse qui lui dit, سلام [salam], peux vous aider ? ça le scie d’un coup, il perd tout, la fougue et le sang chaud, devenu un tout p’tit gars, avec les épaules rentrées et tout, il sait pas quoi faire, il flippe, il tourne, se retourne vers les bouquins, les tripote, il en prend un, au hasard, feuillette, elle vient, ça vous intéresse ?كليلة و دمنة [Kalîla et Dimna] ? l’occaz’ ! il aurait engagé la conversation, et lui, je le prends, elle qui l’accompagne au comptoir, billet, tiroir-caisse, sac, merci, au revoir,
    ***** – et c’est tout ?
    Widad وداد – mais non, sois attentif, écoute la suite, c’est que not’ gars, t’as capté ? il est du genre timide, jamais vraiment fréquenté une femme, et dès qu’il en voit, il perd ses moyens, et dehors, avec son sac en plastique, son bouquin, il attend, il attend devant la librairie qu’elle termine sa journée, voilà qu’elle salue sa patronne, et c’est reparti, lui, quelques mètres derrière, encore plus flippé que le matin, parce qu’il tient toujours le sac de la librairie, et surtout parce que maintenant elle connaît sa gueule, mais bon, ça l’empêche pas de continuer comme ça deux, trois, semaines, le matin, à quelques mètres de chez elle, attend qu’elle sorte, puis il la suit, comme qui dirait l’accompagne jusqu’à la librairie, et l’aprèm’ l’inverse, tout ça pour sécuriser le terrain qu’il dit, s’assurer qu’elle a pas de copain qu’il dit, ça lui plaît aussi, l’impression d’être proche, tout proche d’elle, dans sa tête ça fait comme s’il la raccompagnait chez elle, l’emmenait au boulot, tout ça, ça l’empêche pas pour autant de passer à la librairie, toujours décidé avant d’entrer, dégonflé devant elle, regarde les bouquins puis la regarde elle quand elle fait pas attention à lui, il prend un bouquin pour se donner un air, mais il ose pas le reposer, et il se retrouve en caisse avec, billet, tiroir, monnaie, ticket et sac en plastique, merci, au revoir, lui qui sort sans jamais rien tenter, il avait tort, parce qu’avec la femme, là, les voyants étaient au vert,
    ***** – et comment tu peux le savoir, toi, qu’elle voulait de lui ?
    Widad وداد – d’une parce que c’est moi qui raconte l’histoire, de deux, ça se sent ce genre de trucs, tu sais, ça s’entend, la voix, sa voix à elle, un peu moins bien placée qu’avec les autres clients, ça se voit, les gestes moins précis, un peu vagues, hésitants, des petits riens qui, au final, font un tout et qu’il a pas du tout capté parce que bon ces p’tits riens faut les voir, les comprendre, c’est codé, et le mec, il l’avait pas le code, les codes, on ne naît pas avec, ça s’apprend, alors forcément y en a qui pigent plus vite que d’autres – va savoir pourquoi – la famille, les amis, faut pas croire, c’est pas forcément les plus futés dans la vie qui pigent, moi j’en ai rencontré des gars qui lisaient pleins de bouquins et qui y pigeaient rien, mais bon le gars, là, même côté bouquins c’est pas ça,
    ***** – qu’est-ce qu’il en faisait alors ?
    Widad وداد – de quoi ?
    ***** – des bouquins qu’il achetait,
    Silence.
    Widad وداد – on y reviendra,
    ***** – d’abord pas de nom, et maintenant ça, n’importe quoi cette histoire,
    Widad وداد – laisse-moi finir, tu verras,
    Silence.
    Widad وداد – j’en étais où ?
    ***** – ’sais pas, te suivais pas,
    Silence.
    Widad وداد – ah oui, le poltron, alors, je reprends, mais me coupe plus hein, bref, t’as les mois qui défilent et rien, il arrête même de la suivre, se contente de passer à la librairie une ou deux fois par semaine, mais, minable, il moufte pas, achète bouquin sur bouquin sans lui parler, alors des fois, oui, ils échangent, que du banal, puis, un jour, il a voulu refaire le chemin, le chemin avec elle, comme au bon vieux temps, comme si dans sa tête il avait été avec elle, bref, il attend dehors, pas loin de la librairie, calé contre un mur, il l’attend, elle, et dès qu’elle finit son service, il la suit, jusque chez elle, et chez lui, dans la piaule de ses parents, parce que bon, not’ gars, il est comme beaucoup حياط [Hayatt], pas de boulot, à quoi ça lui servirait d’ailleurs un boulot, ça rapporterait même pas assez pour habiter seul, et chez ses parents, y a sa sœur, y a son petit frère, forcément, pour respirer, il se plante, en bas de l’immeuble, il reste une bonne partie de la nuit, il fume, il boit, d’abord avec les gars de la حومة [Hawma] du quartier, puis tout seul, ça le fait pas, parce qu’il se sent foutrement impuissant, faut dire un truc de la souffrance… comment je pourrais appeler ça, intérieure, faut pas rigoler ! c’est du sérieux la douleur intérieure, c’est pas comme quand tu te fais mal en te cassant la gueule, ou quand tu te blesses, non ça, c’est fastoche, t’attends que ça passe, non quand t’as mal, là, à l’intérieur, c’est autrement plus badant, ça t’étripe sec, tu sens tout ça au fond, mais ça reste invisible, alors not’ gars, un soir, posé sous un lampadaire, il voit une étincelle, il baisse les yeux, un éclat de verre ! qui lui fait des clins d’œil, un instinct, sur l’instant il ramasse, le ramasse ce bout, sans raison, hein, sans penser à rien, et ça le prend, une gêne, l’envie de se gratter, il se plante le bout verre dans le bras, lui fait faire des figures, ça gicle, un peu, du sang, que des filets de sang et plus le bout de verre il roule sur son bras, plus ça le libère ou plutôt ça libère quelque chose de fluide, de chaud, de doux, la douleur, là, sur sa peau, les lignes, le sang chaud qui d’abord refroidit, ensuite qui fait des plaques, c’est lui, ce sang, son état à lui, ce sang, tu comprends ? tu dis rien, ça devrait te parler, à toi, non ? et ces histoires de mutilations, c’est devenu un peu le crédo du gars, le matin, il voit la belle, il achète, son bouquin, il essaye de lui parler en pensant à son bras, aux cicatrices qui le brûlent sous la manche, comme si elles pouvaient lui donner du courage, et quand il la suit, l’aprèm’ , ça le brûle d’autant plus, une alarme, si je savais y faire ‘serai à côté d’elle, et pas dix bons mètres derrière, à se cacher, comme un tordu, qu’il se disait, après la culpabilité du jour, la punition de la nuit, le bras son bras qu’il laboure, avec la douleur, la douleur qui devient habitude, et qui le pousse toujours à aller la chercher plus loin, chercher la première douleur, celle qu’il a ressentie la première fois qu’il s’est planté le bout de verre,
    ***** – et avec la libraire, il s’est passé quelque chose ?
    Widad وداد – bah si, justement, un après-midi, vers dix-huit heures, elle quitte son boulot, lui, à l’angle de la rue, il fait les cent pas, l’air de rien, il sait d’avance la direction qu’elle va prendre, mais non, elle prend l’opposée, il se cache, et… quoi ? hein, quoi ? une bagnole, et qui s’arrête à côté d’elle, encore un de ces tordus, de ces gosses de riche qui, parce qu’ils ont une bagnole, une maison se croient tout permis, que forcément toutes les femmes vont leur tomber dans les bras, mais elle est pas comme ça, elle, elle qui... bah elle qui ouvre la portière, qui s’installe, embrasse le gars qui tient le volant, ha ha, tu t’attendais pas à celle-là, hein ? y a des rires dans la voiture qui démarre, et la nuit, la nuit même le gars, il en peut plus, il plante, bien profond, le bout de verre, faut que ça sorte, lui qui avant se concentrait sur les épaules, les bras, il pousse plus loin, descend vers les avant-bras, ça soulage, un peu, pas assez, il continue le gars, s’acharne, il se dit qu’au bout d’un moment, avec la douleur, le sang d’abord chaud, qui va refroidir, s’épaissir, se figer, faire des plaques, des croûtes, sa douleur s’encroûter, lui devenir croûte, ça ressent quoi une croûte ? tout sec, une croûte, forcément que ça va le purger ! mais non, le bout de verre, il se rapproche, poignet gauche, ça a pas manqué,
    Silence
    ***** – et ?
    Widad وداد – le lendemain on l’a retrouvé, figé dans le sang,
    ***** – suicide ?
    Widad وداد – ‘sais pas, crois pas, le bout de verre, je crois que même s’il avait vraiment voulu se foutre en l’air, il aurait pas réussi à se faire une si belle entaille, une d’aussi efficace,
    Silence.
    ***** – et c’est tout, il se liquide à cause d’une femme ?
    وداد – faut dire que la libraire, elle a jamais appris la mort du gars, elle a juste remarqué qu’il venait plus, parce que, faut dire, elle l’aimait bien ce client, bizarre qu’un gars, comme ça de la rue, achète des bouquins, plein de bouquins, pas courant, après sa disparition, au gars, elle a commencé à recevoir des coups de fils bizarres, à ce qu’on dit, une bonne dizaine d’appels par jour,
    ***** – et on lui disait quoi ?
    Widad وداد – pas grand-chose, silence à l’autre bout du fil, et parfois elle entendait des pleurs,
    ***** – tu veux dire que c’est l’autre, depuis, depuis sa tombe qui…
    Widad وداد – c’est pas une cour de récré ici, juste la mère du gars, c’est qu’après la mort de son gosse, elle fouille son bazar, elle tombe sur des tonnes de bouquins, ça oui, y en avait des bouquins, et son fils, pas du genre à lire, ça elle en savait quelque chose, vu comment il l’avait bien emmerdée pour pas faire l’école, et les bouquins de son fils, elle les ouvre un par un, se disant qu’elle y trouverait quelque chose, pas forcément une réponse, un truc au moins à se mettre sous la dent, elle commence par un comme ça, par hasard, par curiosité, une curiosité qu’aurait du avoir son gamin, elle feuillette, y a une carte qui tombe, pas un marque-page, une carte, une toute simple carte, toute blanche, elle regarde le deuxième livre, même chose, une carte, et ça continue comme ça, une carte pour chaque livre, une toute simple carte, en carton, tu sais comme des cartes de visite, mais sans nom, ni adresse, rien, juste des numéros marqués dessus, les mêmes de numéros qui se répètent, dix chiffres en tout, et comme tu dois le deviner, un numéro de tél’, elle l’a composé, est tombée sur une voix de femme, elle a direct percuté,
    Silence.
    Widad وداد – à ce qu’on dit, les appels, ils ont duré longtemps, et pourtant la libraire, elle en a jamais changé, de numéro,
    Silence.
    Widad وداد – Voilà, fini mon chéri, tu peux remballer ta queue, il va pas tarder à venir,
    ***** – qui, il ?
    Widad وداد – rapport à ta passe, il te reste plus beaucoup de temps, il va venir frapper, là, pour dire que c’est fini,
    Il se lève, ramasse ses vêtements au pied du lit, lentement, un peu hagard aussi, s’habille, elle toujours sur le lit.
    ***** – et pour ton histoire, pourquoi tu m’a raconté ça ? un truc à comprendre ?
    Widad وداد – à comprendre ? t’es pas à l’école, ici, et ‘suis pas ta prof, te prend pas la tête avec ça, c’était juste une histoire,
    ***** – c’est pas vrai alors ?
    وداد – vrai ou pas vrai, noms ou pas de noms, on s’en tape, non ?
    ***** – t’en penses quoi, toi ?
    Widad وداد – ça t’intéresse ce que j’en pense ?
    ***** – si tu me l’a raconté c’est que forcément t’avais une idée, non ?
    Widad وداد – cette histoire je la sors à chaque fois que je tombe sur un gars comme toi qui veut pas baiser, ça tue le temps, en attendant que ça passe, parce que les plus chiants, sont les gars comme toi qui viennent jusqu’ici claquent des biftons pour rien, aller, bouge ! t’entends pas qu’on frappe ?

  • 150521

    15 juin 2021

    On est censé attendre la lune rousse mais pour quoi faire ? L’histoire ne le dit pas. La meilleure façon de perdre la notion du temps, c’est de se plonger dans du code. Article d’Ahmed Slama sur VV. Il pleut une bonne partie de la journée. Il fait clair tard. Finir le curry japonais avec des haricots rouges, du maïs, des courgettes, des oignons, et voilà.

  • 270721

    28 août 2021

    Si tu veux un renseignement juridique sur des questions de droit du travail, ce n’est pas l’Urssaf qu’il faut contacter, ou alors si mais par écrit et non par téléphone. Le délai de réponse est d’une semaine à dix jours. Pour des questions plus pressées, joindre la DREETS, c’est-à-dire l’ancienne DIRECCTE, dont il est par ailleurs question dans Marche-frontière d’Ahmed Slama. Pour joindre la DREETS Occitanie, dont nous dépendons, la personne de l’Urssaf me donne un numéro en 04, qui ne réside donc pas en Occitanie (délocalisation régionale ?). Le numéro en 04 renvoie lui vers un numéro en 08, qui pour le coup ne correspond à rien en terme de position sur une carte. Une fois appelé ce numéro en 08 tu es invité à composer les deux chiffres de ton département pour être redirigé vers j’imagine un standard téléphonique local, dans l’Hérault donc, ou du moins qui se charge de l’Hérault, c’est-à-dire dans l’ex partie Languedoc-Roussillon de l’actuel nouvel ensemble Occitanie (car si de grands ensemble ont été composés sous Hollande, l’éclatement des structures désormais intra-régionales demeurent). Là, X minutes d’attente sur une musique dynamique et, euh, mystérieuse. Pendant l’attente, on peut se remémorer notre visite au bureau de Poste voisin pour l’envoi d’un recommandé au Service clients de ladite Poste, lequel ne peut pas être édité sur le site de la Poste directement car l’adresse de la Poste y est reconnue comme invalide. C’est comique, me dit le guichetier et j’en conviens. Le recommandé pour la Poste coûte en réalité moins cher qu’un recommandé normal car en fait c’est gratuit d’envoyer un courrier à la Poste, c’est comme pour écrire au président de la république, qui pour le coup n’est plus Hollande, et alors là je pense, sans trop savoir pourquoi, et surtout sans émettre ma pensée à voix haute (ouf), qu’en est-il du père noël ? Où qu’il soit, le père noël n’est nulle part au bout du standard de la DREETS, pas plus que le PR, passé présent ou à venir : au bout de quinze minutes d’attente, le serveur d’appel est configuré pour couper la communication, prétextant la saturation des lignes (sans doute réelle par ailleurs). Il faut donc rappeler plus tard, ce que l’on fait. Passées quinze nouvelles minutes d’attente, miracle, quelqu’un répond, de sympathique au demeurant, mais qui ne peut pas véritablement me renseigner. Il convient plutôt d’appeler Pôle Emploi pour ça, alors on appelle Pôle Emploi pour ça (attention à bien appeler le numéro réservé aux entreprises et non aux employés et/ou demandeurs d’emploi). Pôle Emploi non plus ne peut pas me renseigner, il faudrait plutôt contacter la DIRECCTE (la personne n’est manifestement pas au courant que la DIRECCTE est devenue la DREETS mais n’aggravons pas notre cas, ne disons rien). Quand je lui dis que c’est la DIRECCTE, c’est-à-dire la DREETS, qui m’a envoyé vers Pôle Emploi, elle me transfère l’appel vers l’agence Pôle emploi de l’Hérault où d’après la fiche qu’elle vient de remplir en m’écoutant me voilà promu directeur des ressources humaines de la maison d’édition, nous voilà bien. L’agence en question me renvoie également auprès de la DIRECCTE (...) ou tout simplement vers le code du travail. Sauf que les services juridiques en question ne se réfèrent pas au code du travail. Ils m’ont fait une réponse rapide, avec une copie/écran du site Le coin des entrepreneurs (sic), que par ailleurs j’avais déjà consulté puisqu’il ressort dans les premières propositions lorsque l’on tape la question qui m’occupe sur un moteur de recherche. Au bas de cette copie d’écran, on peut lire la phrase suivante : Il est possible d’interroger le pôle emploi pour qu’il statue sur votre cas et vous indique si, etc. Le Pôle emploi me fait donc une réponse m’invitant à interroger le pôle emploi pour qu’il statue sur mon cas, ce qui revient finalement à demander à un médecin (ça m’est arrivé) ce qu’il pensait de tel ou tel traitement possible vu sur le web pour tel ou tel mal et de le voir faire la même recherche Google que moi sous mes yeux pour accéder aux mêmes articles de vulgarisation. Quelque part c’est rassurant : tel Socrate en son temps, tout le monde sait qu’il ou elle ne sait rien.


  • ↑ 1 Bashō, « La sente étroite du bout-du-monde » in Journaux de voyage, Verdier, traduction René Sieffert, P. 97.

    ↑ 2 Ahmed Slama, Orance, Incipit en W, P. 88.

    ↑ 3 P. 87.

    ↑ 4 P. 58-59

    ↑ 5 P. 42 par exemple.