Philippe Rahmy



  • The Black Herald

    8 avril 2011

    Chaque fois que j’ouvre le premier volume du Black Herald, paru en tout début d’année, j’entends des airs issus de Black guitar, chanson de Blonde Redhead, et ça me plaît. The Black Herald est une revue de littérature bilingue, au sommaire exigeant, qui n’a a priori rien à voir avec Blonde Redhead.

    The Black Herald s’ouvre sur plusieurs langues, la plupart des textes présentés dans ce premier numéro sont donc en anglais ou français, traduction à l’appui pour la plupart. Sont proposés également des textes traduits du russe, du néerlandais, de l’allemand, du portugais ou du roumain avec, presque toujours, le texte original associé. Une revue éclectique et exigeante dont l’édito (qui curieusement n’est pas traduit en français) s’ouvre sur cette citation de Wyndham Lewis : « Beyond Action and Reaction we would establish ourselves ». La ligne éditoriale de la revue s’attache avant tout à établir un horizon élargi et diversifié de genres (beaucoup de poésie dans ce premier numéro, mais aussi des extraits de romans, de la fiction courte, de la critique littéraire), de langues et de styles. Aucun thème ni mouvement commun, simplement (et c’est là que se trouve tout le sel de ces pages) l’articulation d’hémisphères, quelques terres inconnues reliées les unes aux autres pour que le style, justement, de la revue, ce soit ce point de convergence des textes entre eux.

    Parmi les auteurs présents dans ce premier numéro, évacuons d’abord le cas Claro dont j’ai déjà dit tout le bien que je pensais de son Cosmoz : il en propose plusieurs extraits, accompagnés par leur traduction en anglais signée Brian Evenson. Sébastien Doubinsky est également de la partie avec une version anglaise de son On ne crache pas sur l’homme mort déjà publié il y a un an environ dans le Quarterly des éditions Zanzibar. Au cœur de la revue signalons également ces deux textes très forts de Philippe Rahmy, extraits tirés de Demeure le corps et Mouvement par la fin dont le corps, justement, est au centre (« je ne tiens pour vrai que ce qui me mutile »).

    Mon corps est un éclat de verre. Alors que j’écoute mes os se briser je perds la vue, la parole.

    Les yeux tombent au fond du crâne, la langue enfle, elle sort de la bouche. Un filament glacé s’enroule autour des chevilles, un autre entaille les jambes, un autre les reins, le dos, un autre, encore un autre.

    Il pleut des barbelés. Suspendues à des centaines de griffes, mes mains cherchent le souvenir de leurs gestes.

    Je me penche pour vomir, m’étonnant de sentir ma maladie sur le flanc. Rien ne vient, j’avale de la boue.

    Je suis dans un sac.

    Philippe Rahmy, Un portrait de la douleur in The Black Herald #1, Black Herald Press, P.28.

    Comme signalé plus haut, la poésie tient une place très importante dans cette revue qui se veut pourtant ouverte sur tous les genres, et c’est assez rare pour être signalé, puisqu’elle représente plus de la moitié des textes proposés au sommaire. Mais au-delà du genre en lui-même, et au-delà des époques, c’est tout un éventail de littératures modernes qui est déployé dans ce numéro qui semble prôner l’ouverture et surtout l’éclatement, avant tout géographique puisqu’on ose ici mélanger même les langues et les destinations (« There is no north, no south, / no east or west in space, / no up or down, / all fixed points are arbitrary », écrit Darran Anderson dans Ghost in the Machine). Même chose s’agissant des époques, puisque le plus proche contemporain (extrait du Livre des Visages ou La chienne de l’analyste de Sylvie Gracia, initialement publié au jour le jour sur Facebook et continue de l’être) peut également côtoyer Cioran, Georg Trakl ou Rodenbach. Quant à Andrew O’Donnell, poète anglais que je découvre, il signe un texte à la folie précieuse (« let me be mad enough to sing this heaven »), dont l’impact est tel qu’il est happé par l’oeil littéralement, déformé par les hachures opérés sur le rythme, déformé par le style télégraphique éparpillé, déformé par l’agencement des paragraphes, un texte marquant comme un « passeport pour le silence, c’est tout ».

    22 Iannuarye
     
    [4] Benevolence
    & now, quite happily (wisdom receded to brute
    hammers & post-idyllic/idealic post post
    tongues) the shore line (idealism). I am going to eat
     
    everything. It b not a matter of sharing. Let the
    madman eat first. Sharing is what we do ? they say.
    I’m going to eat my mouth first & THEN (yr host)...
     
    the rest of me. There wuz insignia (which is memory)
    which I have re-vivified (i.e history), re-
    aligned 2 my hunger... there will be a gene
     
    for me in’t future and then... (exactly exactly)
    you’ll be cured & all the harder to admit
    yr new leader got it wrong. Someone anyone
    will be enough. But, anyway, I’m going to call all of it
    Reality.

    Andrew O’Donnell, To Insanity, P.53.

    Autre réalité, cette lettre d’Emil Cioran, vingt ans, bien avant l’écriture de son premier livre, que le Black Herald intercale entre un « why it all / suddenly / stops » de Darran Anderson et « le corps est l’orifice naturel du malheur » de Philippe Rahmy, et qui se termine comme suit :

    Ton existence est beaucoup plus anarchique que la mienne. Dis-toi bien pourtant que cela peut avoir des effets désastreux pour toi. Sans vouloir parler comme les poètes, les températures élevées sont périlleuses ; toi qui veux vivre, ou plutôt, qui vis trop intensément, tu dois te ménager très fortement, car rien n’est plus facile que de te ruiner les nerfs. Toi et moi tenons de beaux discours sur les tourments intérieurs, mais nous oublions que ce n’est là qu’une manière symbolique de qualifier des réalités de faits, des réalités organiques. Que nous comprenions plus de choses que les autres, cela veut dire que notre équilibre nerveux est beaucoup plus troublé. Nous disons tous deux : je suis triste, mais aucun de nous ne se rend parfaitement compte de la cause de cette tristesse ; elle peut venir de l’estomac, d’une mélodie écoutée un peu plus tôt mais qui ne nous a impressionnés qu’ultérieurement, ou bien enfin d’un désir sexuel qu’on n’a pas pu satisfaire à temps, etc. C’est une grande chose que de voir au-delà des formes symboliques de l’expression. Personne ne se rend compte que l’on peut nier le progrès de l’humanité parce qu’on a mal au pied. Le tout est de voir au-delà de ce qui t’est donné ; mais quand on y parvient, plus rien n’a d’importance.

    Une lettre du jeune Emil Cioran, traduction de Nicolas Cavaillès, P. 119.

    Longtemps après que Black guitar s’est dissipé, j’ai toujours mon Black Herald entre les mains et je découvre. Au-delà d’une revue au sommaire soigné et à la vision étendue, je découvre des voix et auteurs pour moi jusque-là totalement inconnus, comme un « portal / to un-smelt air / in which the ear knocks gently & U try to answer » (Andrew O’Donnell encore).

  • 150411

    15 avril 2011

    Fini, bouffé, perdu ailleurs, demain rentrer en direction d’Y., cela s’appelle une fin, je crois. Fini aussi, pas mieux, l’Infinite Jest de DFW, et finie également la dixième identité du Docteur, et dire, pourtant, que je n’aime pas les fins, ici pourtant, ailleurs plutôt, je les cumule, je suis du genre à vivre avec toutes mes contradictions.

    The memory hung somewhere just out of conscious reach, and its tip-of-the-tongue inaccessibility felt too much like the preface to another attack. I accepted it : I could not remember.

    David Foster Wallace, Infinite Jest

    Avant départ, trouver le temps, une dernière fois, de faire le tour d’ici, de découper minutieusement les têtes de cheval pour qu’elles nous suivent une fois demain venu. Marcher aussi la main levée, le monolithe au bout, histoire d’au mieux capter les ondes récalcitrantes capables de m’envoyer le monde (ou ce qu’il en reste) juste là devant ma porte. Ce que je lis sur le carré tactile, c’est que nous ne serions plus vraiment nous (l’aurions en fait jamais vraiment été).

    la toilette du
    matin détache la
    peau qui protège
    du jour

    Philippe Rahmy, SMS de la cloison, Publie.net

    Ici, ailleurs, pour gagner la chambre monter avec les bras l’espèce d’echelle qui fait le lien, pour passer à la salle de bain, pareil, oui mais d’abord dévaler la première, escalader la seconde. Une fois arrivé au sommet, une fois le GPS de tête configuré correctement, mater sa gueule dedans la glace, celle qui te dévisage, et arracher syncro avec la bis cette seconde peau qui vous tartine le cuir depuis des jours que tout ça dure et constater, en même temps qu’elle, cette seconde gueule appelée bis, qu’une autre identité s’apprête à poindre sous les traits de l’ancienne, celle qu’on croyait unique et puis toucher, derrière, la peau, la deuxième, la nouvelle, pour vérifier, avec les doigts cette fois, ce qui est vrai et puis surtout, peut-être, tout ce qui ne l’est pas.

  • Écrire kbb #3

    20 juin 2011

    C’est le dernier round des relectures de cette première série (c’est compliqué mais ça l’est peu). Ensuite, avancer avec la deuxième, c’est à dire une nouvelle fournée de vingt-cinq textes, cinq par personnages, et en esquissant le premier jet du premier d’entre eux déjà je suis gêné aux entournures.

    Même chose qu’au tout début de l’écriture du truc en janvier. J’écrivais sans grande passion, mais poussé par un rythme de publication exigeant (quasiment un par jour, en plus des autres textes mis en ligne sur le site, évidemment aujourd’hui ce ne serait pas possible), alors au fur et à mesure les mots sont venus. Même chose durant les relectures, l’impression de lire un truc tenu mais très terne et globalement assez vide et vide, oui, je trouve toujours que ça l’est.

    En écrivant ces trucs j’ai l’impression de tourner autour du véritable corps qu’il me faudrait saisir sauf que ce corps je ne le vois pas. Je crois bien que je meuble. Me manque toute la matière. Toute la matière du corps du truc, celle qui m’échappe, comment la retrouver ?

    Je me suis détourné du squelette originel, d’ailleurs je n’ai plus vu ni Q. ni P., enfin plus vu, disons que nous ne nous sommes plus rien dit, mais est-ce qu’ils sont seulement moteur de quoi que ce soit dans cette affaire ?

    J’ai l’impression d’écrire à blanc, de dresser le décor inutile d’une scène au beurre noir sur fond noir. L’impression de ne pas comprendre où je dois être, inconfort qui ressemble à celui qui m’attrape lorsque j’écoute Wu Lyf. Je reconnais à l’instinct que quelque chose accroche mais aucune visibilité sur ce que ça peut être.

    Me manque violence la rage le truc qui ferait que tout serait tranchant, d’ailleurs d’ailleurs où est passé la rage ? il me semble qu’elle y était au tout début du truc, ou même avant le truc, depuis a disparu et ce serait franchement con franchement dommage qu’après avoir lu Guyotat, après avoir lu Rahmy et écouté NIN il ne m’en reste rien, faut remédier du coup.

  • 050711

    5 juillet 2011

    31

    je fais que lire & même quand le vent tombe tous les regards serrés de l’openspace je fais que lire jusqu’à son paroxysme > les lettres imaginaires

    je les immortalise & je sors l’œil celui portable capable d’immortaliser & puis j’immortalise les yeux collés au texte qu’il soit papier qu’il soit pixel je veux garder l’image la trace de tous mes doigts sur eux

    j’avais déjà fait ça via 17h34 tracer le fil de mes lectures à une heure fixe & c’est pareil mais à l’échelle du monde celle d’au-dessus > besoin de voir le grain de l’image physique ou virtuel exactement le même & faire derrière la traçabilité > d’où vient où va comment respire telle ou telle page tel ou tel autre truc

    À la sortie du pont, par une légère pluie, un motard nous fait une queue de poisson. Il est pressé. Son débardeur affiche : SANG. Il a probablement perdu la trace du Darent Valley Hospital, quelque part le long des carrières de craie. Il fait un détour en direction de Bluewater. Sans doute un des motards de Dracula, me dis-je. Des réserves d’urgence pour vampires de la vente au détail.

    Iain Sinclair, London Orbital, Inculte, traduction de Maxime Berrée, P. 550.

    je lie le sang > du verbe lier > qui tourne en moi comme le circuit vicié d’une même vieille bouche d’aération> du genre de celles qui soufflent juste en dessous & je serais métro à ciel > artères > ouverts parce que comme lui je vais nulle part je tourne

    Tel Kim Newman, les vampirologues ont toujours reconnu que les morts-vivants d’hier sont les demandeurs d’asile d’aujourd’hui, les personnes non dispersées. L’impact de la fiction de Stoker, écrite en 1897, a été long à se déclencher - non pas en raison de sa nouveauté mais de l’impression que le livre était une réécriture originale, la récapitulation d’une fable récurrente. Sous ses échos shakespeariens de mea culpa, (Irving de second ordre) et sa religiosité de cirque, se trouve une géographie précise et réfléchie. En direction de l’Ouest : de la Transylvanie à Whitby. L’imagination gothique envahissant - et défaisant - les certitudes impériales sur les questions de commerce, de loi et de classe. Dracula annonce l’ère à venir de l’agent immobilier. Rien ne fonctionne dans le livre sans la capacité du comte à acheter, louer, obtenir des propriétés. Comme la mafia moscovite investissant St George’s Hill (pour sa proximité avec Heathrow), Dracula choisit Purfleet, le long de la Tamise, afin de pouvoir prendre le bateau pour rejoindre Varna à tout moment. Immortel, le comte savait qu’il n’avait à tenir que quelques années avant d’avoir un pont traversant le fleuve, un circuit autoroutier autour de Londres : de nouveaux pâturages. La future M25 était un cercle, un cercle dans le sel. Le vampire ne pouvait en être exclu, il était déjà dedans ! Purfleet plutôt que Thurrock. L’autoroute était la métaphore parfaite de la circulation du sang : de Carfax Abbey à Harefield - asiles compris. Stoker a prédit la M25, a rendu tautologique sa construction physique. L’haleine fétide du comte réchauffait le cou de Margaret Thatcher au moment où elle coupait le ruban.

    P. 573, 574.

    je fais que lire > j’y suis pour rien > le téléphone se tait et moi oui je m’endors

    je lis Rahmy je lis l’Ulysse de chez Ríos je lis ce D’ici là & je lis les vampires ceux des boucles de Londres je lis la page quelle qu’elle puisse être je lis aussi excusez-moi un peu de science-fiction autre que mienne je lis tatouées les pages derrière les autres pages celles plus professionnelles & plus éthiques aussi > la science-fiction commence par lettre S

    je connais pas franchement ce qu’on appelle le diktat de l’air ouvert > de l’openspace comme on l’appelle > même si je sais que tout ce qui fascine ici > et quand je dis fascine je voudrais dire obsède > et à droite à gauche et pour lui et pour elle > ce serait la fameuse phrase >mais qui au juste a un accès visuel sur mon écran ? > ouvert ici encore

    le mien d’accès amène dehors > la fenêtre > celle qui me décolle le dos de la peau du dos alors faudrait avoir une sacrée vue pour me surprendre et lire en même temps que moi ce que mon œil cisaille > à la limite j’ai envie de dire mais matez moi > matez vers moi > lisez comme moi les trucs la langue le corps plaqué sur mon écran signés entre autres Philippe Rahmy plus on est de fous & plus on lit > j’attends le soir

  • 290212

    29 février 2012

    sur la cuisse
    gauche la
    seringue prête et
    sur la droite le
    téléphone
    portable
     
    Philippe Rahmy, SMS de la cloison, Publie.net

    On existe, puisque c’est bissextile. Idem hier. Idem la veille d’hier. J’ai pas eu le temps reprendre aux doigts le clavier blanc pour rendre compte.

    A Brest ce lundi pour rencontrer, enfin, les élèves du Lycée de l’Iroise qui travaillent depuis quelques mois maintenant sur mon (sic) Livre des peurs primaires. Avant d’y monter arpenté Brest, halte aux Opticiens mutualistes pour faire fixer (un bis de peur primaire 228) la vis de l’oeil avant l’heure H. Tout le matin durant pétoches. Avec H. passons vite chez Dialogues. Vu Le marasme chaussé de Ivar Ch’Vavar, pas acheté (mais regrets). Aucune trace de Werner Kofler ici non plus. Idem Blanche étincelle de Lucien Suel.

    La rencontre c’est pas moi qui rend compte mais c’est eux, via Twitter, hashtag #vissac. Suis arrivé 13h37. Un quart d’heure après c’en était 16.

    #vissac Rencontre imminente...
    13:34
     
    #vissac Arrivée de @gvissac !
    13:39
     
    #vissac "Impressionné par votre travail."
    13:42
     
    #vissac Lecture de fragments du Livre des peurs primaires
    13:44
     
    #vissac "Avant l’envie d’écrire, une envie de lire."
    13:50
     
    #vissac A l’iroise, @gvissac lit des extraits du Livre des peurs primaires aux lycéens d@ivoix... pic.twitter.com/T25cKP60
    13:51
     
    #vissac "On vit dans une société violente, entourée d’écrans."
    13:52
     
    13:53
     
    #vissac "Consigner ses angoisses quelque part."
    13:54
     
    A Brest, @gvissac répond aux questions des lycéens d’@ivoix http://pic.twitter.com/xG48rvXc
    13:54
     
    #vissac "Nouvelles technologies : elles sont citées car très présentes dans notre quotidien."
    13:56
     
    #vissac "La douleur caractérise en partie l’homme."
    13:58
     
    #vissac "Sensations décrites = réelles à un moment donné. Elles sont entourées de fiction, dans un univers fantastique."
    14:00
     
    #vissac "Écrire, c’est un exorcisme."
    14:02
     
    #vissac "Livre numérique ou pas, pas vraiment d’importance"
    14:03
     
    #vissac "Tout ce que je lis ne m’influence pas de la même façon. Dans l’inspiration, la lecture a la place la plus importante."
    14:06
     
    #vissac "Chacun a sa conception de la poésie."
    14:07
     
    #vissac "Je n’ai pas écrit le Livre des peurs primaires en me disant que c’était de la poésie. Je m’intéresse davantage aux nouveautés."
    14:08
     
    #vissac "Mes études en lettres modernes ont eu pour but de me forger une culture littéraire, pas d’apprendre à écrire."
    14:10
     
    En direct sur Twitter la rencontre reelle entre les lycéens blogueurs @ivoix et l’auteur numerique @gvissac #vissac http://pic.twitter.com/g1qjfuxJ
    14:12
     
    #vissac "Le Livre des peurs primaires : pour moi, pas un livre mais un truc."
    14:13
     
    #vissac "Mes fragments reflètent mes angoisses paranoïaques."
    14:17
     
    #vissac "Les accidents de personnes empêchent les gens d’arriver à l’heure au boulot (de leur point de vue)." La mort en direct sur Twitter.
    14:20
     
    #vissac "L’intérêt du texte : il ne finit jamais."
    14:23
     
    #vissac "Les peurs primaires : écrire au quotidien la vie réelle."
    14:25
     
    #vissac "Le Livre des peurs primaires, journal de ce que je n’ai jamais vécu."
    14:26
     
    #vissac "J’aime bien écrire comme je parle. J’ai pu le faire car le Livre des peurs primaires n’est pas un livre."
    14:27
     
    #vissac "Il y a 2 ordres : de 1 à 230, ordre d’écriture, et aussi dans l’ordre indiqué par les liens, qui crée un fil conducteur."
    14:30
     
    #vissac "J’aime beaucoup l’anglais."
    14:31
     
    #vissac "Twitter : moyen intéressant de repenser son laboratoire. L’intérêt de Twitter : nous sommes tous lecteur-auteur par l’interaction."
    14:35
     
    #vissac "Twitter : génial en terme de relations humaines, on peut se tutoyer."
    14:36
     
    #vissac "Le processus numérique est bien plus simple."
    14:44
     
    #vissac Pourquoi 2 saisons ? = Premier jet de 100 fragments (saison 1), deuxième de 130 (saison 2). Rupture entre les 2 saisons.
    14:45
     
    #vissac "Période de transition entre le papier et le numérique."
    14:48
     
    #vissac "L’avantage du papier sur le numérique, c’est la sacralisation de l’auteur papier, beaucoup plus respecté que l’auteur numérique."
    14:51
     
    #vissac "Pour une question d’ego, j’aimerais être publié au format papier."
    14:52
     
    #vissac "J’ai toujours aimé prendre le train. Il est très présent dans le Livre des peurs primaires car très présent dans mon quotidien."
    14:54
     
    #vissac "Fragment 0 du Livre des peurs primaires : plonger le lecteur dans l’inconnu."
    14:55
     
    #vissac "L’élève distrait que j’ai été propose au lecteur de lire dans l’ordre qui lui plaît."
    14:56
     
    #vissac "Ce que j’aime lire et écrire, c’est un texte dans lequel il faut se faufiler, un texte bordélique."
    14:59
     
    #vissac "Certains fragments expriment la crainte légitime que le texte ne soit jamais accepté, qu’il tombe dans l’oubli."
    15:01
     
    #vissac "Fragment 75 : Peur de ne plus avoir peur, de ne plus être atteint de paranoïa."
    15:02
     
    #vissac "Écrire pour exister."
    15:03
     
    #vissac "Peur de l’ordinaire, du banal."
    15:04
     
    #vissac "Écriture du recueil : de début 2009 à début 2011."
    15:06
     
    #vissac "Je me focalise sur moi, les autres sont des ombres alentour."
    15:08
     
    #vissac "Avoir un travail qui laisse du temps pour écrire."
    15:09
     
    #vissac "Phrases saccadées dues à la prise de notes. Je suis adepte de la correction par diminution du texte."
    15:11
     
    #vissac "En écrivant, je n’ai pas vraiment pensé au lecteur."
    15:12
     
    #vissac "J’aime les défis."
    15:13
     
    #vissac "Lorsque j’ai écrit mon texte, c’est au lecteur de le faire vivre ensuite."
    15:14
     
    #vissac "Il m’est arrivé de rêver ce que j’écris. En ce moment, je twitte mes rêves en 140 caractères."
    15:16
     
    #vissac "Ma peur primaire, c’est d’être inconsistant, inexistant."
    15:17
     
    #vissac Fin de l’interrogatoire. Et maintenant... les dédicaces.
    15:18
     
    Séance de dédicace :@gvissac @ivoix #vissac http://pic.twitter.com/Ncq4UYal
    15:22
     
    #vissac "J’aurais aimé participer au projet i-voix." => Merci @gvissac !
    16:13
     
    Scoop @ivoix : @gvissac écrit aussi a la main ! #vissac http://pic.twitter.com/S9LcSSs7
    18:57

    Après l’échange je signe, via stylos bleus, verts, roses, et des fois noirs du papier. Aurais pu, tout aussi bien, dédicacer sur téléphones de poche, au cutter sur l’écran, des charabias indélébiles. Juste avant retrouver H., plus tard, place de la Liberté, je remonte, au pouce, le fil twitter #vissac pour vérifier, peu sûr, que j’ai pas dit de conneries, ou pas trop.

    Hier mardi, Morlaix, le collège du Château. Le public est différent, classe de troisième, c’est une heure. Plus difficile de leur extirper quelques mots mais j’écoute intrigué leurs propres travaux d’écriture autour des Peurs, les miennes. A cause ou grâce à moi on parle gore de onze à douze. L’un deux demande : « vous vous êtes déjà demandé si vous étiez pas fou ? ». J’embraye, par hasard grave, sur les SMS de la cloison de Philippe Rahmy, relus le matin même, et le silence sur les visages quand je leur dis ben ouais un SMS ça peut être poésie. L’une des élèves dans le blanc de sa marge me croque au bic pendant que je sors mes trucs.

    A Carantec l’aprem
    j’prends des photos
    d’la mer comme
    celle-ci là.
     

    Dans le sable compter : six donjons, une douve, un message en grandes lettres bâtons, quatre pattes et deux paires de pompes nôtres, un crabe (mort), un babet (vivant), un bâton à jeter pour Nesko qui rapporte, quelques autres grains de vie et des algues en extase. Le soleil se pointe. Demain repartir, c’est-à-dire aujourd’hui 29, puisque nous existons, puisque c’est bissextile.

  • 121112

    12 novembre 2012

    Je me suis laissé peu à peu dominer par la peur. Je ne crains pas l’échec ; j’ai peur de ce type qui essaie d’écrire, assis devant son ordinateur. Je ne le connais pas. Je suis au service d’un inconnu qui ne me laisse pas dormir, réfléchit à des choses futiles et dont je mesure les capacités mentales déclinantes. Je ressens avec ma propre tête les vertiges de son artériosclérose, ses tâtonnements pour retrouver dans sa mémoire chancelante un mot, un enchaînement logique, un problème qui, au fond, ne l’intéresse pas. Je me meurs…

    Imre Kertész, Sauvegarde, Actes Sud, traduction Natalia Zaremba-Huzsva et Charles Zaremba

    Quelque chose m’a mordu sur le truc du poignet, vers la tête de l’ulna, j’ignore qui, mais il a des mâchoires.

    Je ne sais pas pourquoi, mais quelqu’un m’invite à une journée de recherche sur le numérique quelque part pour parler une demi-heure, voilà ce que je réponds : êtes-vous sûr que ce que j’aurais à y dire présenterait quelque intérêt ? Et aussi : combien ça paye ? Mais pour une demi-heure, et à plusieurs heures de Paris, est-ce réellement rentable ? On connaît tous les deux la réponse.

    J’ignore à quel souvenir d’adolescence me ramène le morceau Zodiacal Sign mais Wandering oui : être assis quelque part côté ouest dans les couloirs du lycée à attendre que tout le monde monte, peut-être à l’inter-cours, et avec mon Zillion. Continuer via l’mp3 à rebrousser le sens du temps.

    Très heureux de la sélection du recueil SMS de la cloison, de Philippe Rahmy, dans cette saison venante d’I-Voix, car l’avait suggéré.

    La Postapocalypse : cette vidéo Youtube qui a pour titre : Extraterrestres Filmados por KGB documento exclusivo. Où se trouvent-ils, déjà, tous ces fichiers déclassifiés par le FBI sur la veille top secrète anti alien OVNI ? Je les ai lus en Normandie, sur l’iPhone, tout contre une abbaye. Autre ajout au dossier : Qui seront les derniers habitants de la Terre ?

  • 211112

    21 novembre 2012

    31

    Suite et fin du PNFLettres. Participe à un atelier intitulé Écrire de l’intérieur de l’œuvre littéraire en compagnie de Jean-Michel Lebaut. Au programme l’expérience assez géniale de réécriture par des élèves de lycée de L’étranger de Camus sur Twitter, mes trucs Accident de personne et Ulysse par jour, ainsi que le travail effectué par les élèves d’I-voix (coachés par Jean-Michel Lebaut) l’année dernière sur mon Livre des peurs primaires. On est tous dans une grande salle de classe et les élèves c’est des profs. Un peu frustrant car pas le temps (une heure et demi) pas le temps de trop s’attarder sur les trucs mais c’est important de rendre compte de ces expériences et surtout surtout de leur boulot à eux, les élèves, qui est quand même mais carrément impressionnant.

    Derrière partir en speed car (fuir est une pulsion) car un mec dans la salle vient me trouver pour me dire vous (je lui dis dis-moi tu) pour me dire tu pourrais répondre à quelques questions que j’aurais sur ton site web et je lui demande t’as combien de temps devant toi et il me dit une demie-heure alors on se pose dans un café pour en parler deux heures et demi. Je lui raconte un peu tout et n’importe quoi à cet étudiant qui bosse sur des sites web d’auteur et il prend tout en note même et surtout les noms de Seb Ménard, Jean-Marc Undriener et aussi ceux d’Amy Hempel, Kathy Acker ou Philippe Rahmy juste pour parler des textes qui sont pour moi super importants. J’épelle pas mal. Dis tous les trucs que j’ai pas eu le temps ou bien les couilles de dire hier ou ce matin, et notamment la question du brouillon permanent quand on écrit en ligne et qu’on laisse (comme l’ai mal fait avec ce truc kiss bye boy ou comme le fait Seb Ménard ou Daniel Bourrion) l’accès libre aux versions précédentes et aux corrections faites, ça c’est un truc pour moi central et hyper important dans ce que peut apporter l’écriture web et je lui dis ça peut être plus que simplement mettre les différentes versions en ligne et Spip peut le faire, c‘est juste qu’il faut creuser pour que ça marche (c’est un des enjeux de mon truc ///). Je sais plus quels autres trucs je dis (probablement des conneries) et à la fin je lui demande quand même son nom et son identité numérique, qu’il me donne et que j’écris sur mon calepin l’iPhone avec le pouce.

  • 221212

    22 décembre 2012

    La fin du monde n’a pas eu lieu. Je vais en ville (car la ville il faut aller vers elle, elle n’est pas, par défaut, dessous nos propres pieds) chercher un cadeau pour mon père.

    Pluie d’octobre, triste et vide, très vide la ville. Plus le temps passe et moins je risque de croiser, ici, quelqu’un qui me connaît. Peut-être ce serait ça, aussi, être adulte. Par exemple ce serait tenir bien haut le parapluie se dire
    pourquoi ils vendent là des aspirateurs pourquoi
    y avait un rayon livres VO ici avant
    quelle tête est-ce qu’elle avait cette place cette
    rue quel
    nom il pouvait bien avoir aussi
    ce magasin avant ce serait
    dire bonnes fêtes à la caissière après la thune aussi
    se dire ben j’ai récupéré mes cinq kilos perdus en 2011 maintenant
    en 2012 se dire
    65 c’est très bien pas besoin d’aller voir au-dessus se voir
    dans le miroir se voir
    dire et penser tout ça
    ce serait aussi mesurer
    avec l’oeil de la pupille cet oeil
    l’écart physique dans tel bouquin
    Carnets d’un jeune médecin
    ici ils appellent ça carnets
    entre la page de gauche
    en russe
    la page de droite
    traduite
    se dire aussi pourquoi ne pas acheter cet autre
    cet autre livre Berlin
    Alexanderplatz

    maintenant
    Deutsche geschrieben
    mais est-ce comme ça qu’on dit ce serait
    aussi
    interroger cette phrase
    mais est-ce comme ça qu’on dit ce serait
    écrire des phrases décomposées comme ça avec
    des retours ligne intempestifs aussi
    dire à ce mec rencontré ici-même
    corporellement mais sans bouger
    sans rien bouger de ma chaise ce serait dire
    je veux juste pouvoir te parler et que toi tu répondes et puis lui
    dirait non
    et je le penserais en chiffres
    des âges et des kilos
    des chiffres et la nomenclature exacte
    de tous ses putain d’os.

    Être humain être adulte être vrai en vrai je l’ai pas demandé non ça j’ai rien demandé j’ai juste (j’ai juste quoi ?) et ce qu’on cherche ce que je cherche moi (la justesse) je sais pas s’il faut l’appeler comme ça je sais pas si on peut dire être vrai et je sais pas si le dire ça suffit juste à l’être je sais pas si ça se passe comme ça en vrai. Des fois me dis que le dire c’est juste faire l’effort de l’être (être vrai), je la cherche là dans le dialogue ou les choses dites la justesse je la cherche aussi et surtout ici-même dialoguant face à moi face à toi qui me lie. La vraie question se serait de dire : la justesse est-ce que ce serait tout dire ? Ma migraine a fuit d’avoir vu J. me voir (et lui inversement) : ça c’est être juste, de le dire ouais c’est l’être. Mais ça ne suffit pas c’est pas aller assez loin et en totalité le voilà mon problème (je l’ai écrit ça dans un mail) : je veux toujours aller vers vers cette totalité alors être vrai être juste ce serait la transparence même c’est l’un des embranchements possibles dans mon truc /// : le mec le héros il rejoint une secte de la transparence : on peut tout voir en permanence de lui-même et ses rêves ses pensées en transparence parfaite et les gens lui balancent de la terre à la gueule car ce qu’ils pensent en vrai c’est que ces mecs sont dégueulasses vraiment : en transparence totale.

    Ce qu’il est long encore le cheminement qui permettrait de dire, de le dire quelque part ce couplet (ceci est l’incipit d’un livre dont j’ouvre les branchies pas plus qu’à peine pour ne surtout pas tordre la colonne du livre) :

    Va te faire foutre

    j’arrive au terme de cette histoire écrite sans souvenir ; malade, je me présente nu, sans effort, ni stratégie, avec l’ambition d’une honnêteté absolue ; je suis fils de te haïr

    Philippe Rahmy, Demeure le corps, Chant d’exécration, Cheyne, P.9

    Il est quoi il est pile l’heure minuit quarante-sept. Et techniquement on est demain plus aujourd’hui alors. Je m’en vais lire Demeure le corps, Chant d’exécration quelque part en exil de moi-même pour trouver une réponse à ce truc : ce que c’est la justesse de dire et comment on y croit.

  • 231212

    23 décembre 2012

    J’ai noté une heure huit

    la douleur n’apprend rien, rien, le refuge qu’elle offrait vient de s’effondrer ; lorsque les cris cessent et que la bouche dévastée, puante d’entrailles, se vide à longs traits, j’entends hurler la voix que j’appelle mon âme ; telle est mon âme, un déchet organique qui cherche à me fuir, la voici ; contre ce que je pense, contre qui je suis, ces aveux disent la rupture, traînent l’esprit comme une dépouille dans le désintérêt de l’autre, jusque dans l’oubli de la solitude même

    Philippe Rahmy, Demeure le corps, Chant d’exécration, Cheyne, P.13-14

    à une heure vingt-et-un

    je ne tiens pour vrai que ce qui me mutile

    Ibid., p. 35

    et à une heure trente-deux

    il est trois heures, je respire doucement des échardes et de l’air ; je ne dis rien ; je lance une pierre ; le silence me rassure, il fait écho à la mort ; la chambre se tient dans la tiédeur

    Ibid., p. 51

    mais c’est faux. J’ai rien noté c’est faux. J’ai pris la cam enfin l’iPhone je l’ai pris et j’ai pris en photo ces phrases là pour mémoire. Ensuite je me suis endormi.

    Je twitte à Lucien Suel : c’est vrai, les blocs dépliables sous Windows et Firefox ne déplient rien depuis la migration Spip trois. Ce n’est pas le cas avec le nouveau site Ulysse, encore en cours de conception, alors ne chercherai pas plus à corriger la rubrique actuelle (elle n’en a plus que pour quelques semaines toute façon).

    J’écris l’Ulysse du jour (481-490) dans le canapé cuir, sans bouger ni d’ici là ni de mon Glass piano en arrière fond (évidemment les Metamorphosis).

    J’hésite à signaler à qui que ce soit ma présence ici-même (je me dis c’est à eux oui à eux de deviner où je suis (à moins que je ne sache rien faire d’autre que rien aujourd’hui)).

  • 240813

    24 août 2013

    J’écris comme je lis comme je zappe. Tâte un peu de tout. Me consacre à d’autres projets qu’un seul. Fais mille trucs à la fois. Ce que ça veut dire c’est qu’écrivant quarante trucs différents en même temps j’avance très très lentement dans chaque. Mais quand j’arrive au bout d’un seul, j’arrive au bout de plusieurs en même temps, ce qui donne l’impression du contraire : que je vais vite. Mais tout est faux en fait.

    Bientôt septembre. J’attends deux trucs. La sortie librairie de Béton armé, de Philippe Rahmy (lire à ce sujet la très belle note de lecture qu’en fait Benoît Vincent sur son site). L’autre, c’est GTA 5. Quelque part, je sais pas, peut-être bien que c’est le même truc.

    Le matin même demande à H. de me prendre la trogne en photo pour Publie devant le dessin numéroté d’Adèle Blanc sec.

  • 070913

    7 septembre 2013

    On me propose, de nuit, de suivre la corniche urbaine qui déboule quelque part dans la lande, près d’Édimbourg je crois. Je pourrais appeler V. pour qu’on puisse se trouver. Pourrais pousser la marche jusqu’à Dublin, aussi, pour voir d’où vient l’Ulysse.

    Dans le monde réel je m’en vais échanger, à la librairie d’à-côté, un carton de bouquins à donner contre un livre attendu de Rahmy : s’appelle Béton armé. Avant rejoindre le MK2 Bibliothèque pour un film, Frances Ha, et regarder collée sur la vitre de la projection l’imagerie rémanente du film à mi-chemin entre la lentille et l’écran dans la salle, quelques vers justifiés :

    poète ça écrit & c’est un écrivain
    qui n’écrit pas un poète c’est toi
    tu écris pour pouvoir cesser de le
    faire c’est cela
    non un poète n’est pas un écrivain
    il cesse aujourd’hui d’écrire pour
    pouvoir écrire mieux afin de finir
    d’écrire un jour

    Lucien Suel, Petite Ourse de la Pauvreté, Dernier Télégramme, P.9

  • 220913

    22 septembre 2013

    Des sensations de sang dans les paupières, sous le torse, dans l’annulaire à gauche, à gauche encore le pied, près de la malléole médiale. Fatigue polaire faut croire.

    Fini Béton armé. Emmerdé. Je suis embarrassé par la lecture. Bien sûr j’ai lu les autres rendre compte (et plutôt mieux que moi). Suis probablement sur d’autres territoires mentaux. Je n’ai pas pas aimé. Plus complexe je sais pas. D’ailleurs corné dix pages, soit un vingtième du livre. Et lorsque H. me demande, et à plusieurs reprises, ce que j’en pense, j’ai répondu, et à plusieurs reprises, à la fois c’est génial, à la fois je sais pas. J’ai reproché au livre, plusieurs fois, intérieurement et fort, même durant lecture, le genre de phrases commençant par les mots "la Chine est", "les chinois / chinoises sont", mais je répugne à utiliser moi-même cette formule, aujourd’hui ; ce livre est.

    Noire. Obscure. Sale. Sombre. Triste. Brune. Pâle. Affligeante. Malheureuse. Malfaisante. Illégale. Secrète. Solitaire. Ténébreuse. Sobre. L’aube à Shangai. Un corps nu déchirant la housse de la nuit passée.

    Philippe Rahmy, Béton armé, La table ronde, P. 83

    Beaucoup aimé les précédents, pour autant aucun avant lui ne m’a comme lui repoussé en moi-même, dans mes propres retranchements d’os et de chair et ciment, pour comprendre ce que j’avais lu, pour comprendre ce que j’avais lu de moi (aussi) le lisant. N’ai ressenti aucune urgence dans l’écriture de ce livre (peut-être je me trompe), rien de l’indispensable nécessité de transcrire (peut-être je me trompe), aucune incontingence ; un livre en résidence. Et, dans le même temps, je reste sidéré devant ces yeux furtifs à peine posés sur la ville, à peine posés sur le corps, le temps de croquer une seconde et une éternité d’un lieu, d’une silhouette. C’est aussi en écrivant ici, dans le journal, et non dans une rubrique lectures, que je cherche à comprendre ce que je cherche à voir.

    Morphologie de Shangai : brillante carcasse ajourée sur socle en tétrapacks, ligaturée de ponts suspendus, avançant par à-plats et remblais, de terrains vagues en boulevards, jusqu’aux lointains anneaux de son reflet sur la mer.

    Ibid, P. 166

    D’autres fois, un peu de honte à penser au malaise ressenti sous lecture quand j’aurais dû, quelque part, simplement suivre la trace des autres chroniques web que j’ai lues et dont j’ai partagé, un peu paradoxalement j’avoue, l’analyse. Persuadé un moment de devoir écrire ces quelques mots dans le journal, d’accord, mais dans le journal bis, pour être libre de dire ce que je dis ici, mais sans qu’on me lise par dessus.

    Mon voyage en Chine aura été une traversée dans la nuit, entrecoupée de quelques flashs. Je n’ai rien vu. J’ai été comme le passager d’un train de montagne ébloui par le paysage entre deux tunnels.

    Ibid, P. 197

    De la Chine, je n’ai pas vu grand chose. Bien pauvre cette idée venue de la préface qui voudrait que l’élan de ce livre tienne de Marco Polo. L’impression que ce livre aurait pu être réellement tout autre et précisément lui-même s’il n’avait pas été un livre, s’il avait compté quoi cent-cinquante pages de moins, si je l’avais lu dans une autre saison ou dans d’autres espaces ou via d’autres orbites. J’ai jeté de suite le bandeau idiot qui disait Shangai au corps à corps et je le relirai mille fois, mais jamais plus dans l’ordre, et jamais plus respectant bêtement le formatage des pages, l’ordre des paragraphes, probablement en massacrant le grain, en écrivant sur les mots imprimés d’autres mots de passage, en niquant la reliure. La seule chose que je sais, c’est qu’écrire ce journal n’aura rien résolu de ma lecture du livre.

  • 060914

    26 septembre 2014

    Mal dormi. Pas vraiment l’impression que l’oeil flou, apparu hier matin, se soit démis pendant la nuit. J’en suis au stade où je ne sais plus vraiment comment je croyais voir jusqu’à avant-hier, si ma vue est conforme à la vue habituelle, pas conforme ou autre chose. Me semble que non. Me semble que les mots se rebouclent. Mais peut-être je me trompe. Je sais pas où j’en suis.

    L’autre jour Joachim m’invite à répondre à une chaîne sur Facebook, il faut citer dix livres sans réfléchir, je ne réponds jamais à ces trucs-là, et d’ailleurs ce n’est pas moi qui végète sur Facebook : c’est le fantôme de l’autre. Ces dix livres j’y pense néanmoins et je les reconstruis dans ma tête. Récits d’un jeune médecin, Dans la ville des chasseurs solitaires, Mantra, Éden, Éden, Éden, Gravity’s rainbow, Sur les falaises de marbre, Le bruit et la fureur, Toi au moins tu es mort avant, The Dog of the Marriage, SMS de la cloison, Le lapin mystique. Tiens, il n’y a donc ni Joyce ni, je ne sais pas moi, Bolaño par exemple. Et en plus j’en ai onze.

    Je crois qu’en réalité ça provient de l’oeil droit. Et j’ai le sentiment d’avoir déjà vécu ça : voir les mots se boucler devant mes yeux à une distance inhabituelle. Il me semble que c’était quelque part.

    Avant puis après Hippocrate, un film prometteur mais plombé par un scénario très simpliste, suite des relectures du Transoxiane trois, en repartant de zéro, car j’ai tout oublié de ce que j’ai lu hier, je veux dire la semaine dernière. Nous touchons presque au but. Je lis sur Minimal Prelude 25, de Jeroen van Veen.

  • 200815

    20 septembre 2015

    Travaille sur une nouvelle rubrique Publie pour mettre en lumière, au rythme d’un par semaine, les livres du catalogue. Le but c’est composer des vignettes courtes, sous différents formats, supports, à délivrer chaque jour. En fin de semaine on récapitule tout sur une page. Mis longtemps avant de choisir le premier : c’est SMS de la cloison 1. Je voulais que ce soit un truc qui soit représentatif du catalogue, du français contemporain, de la poésie, mais aussi que ce soit pas forcément une parution récente, et je voulais pas que ce soit l’un d’entre nous dans l’équipe.

    quand il a fallu trouver un livre
    le premier livre à évoquer
    à traverser
    à étreindre
    pour cette nouvelle rubrique publie qui vise à faire découvrir
    redécouvrir
    extirper
    signaler
    secouer les livres de notre catalogue
    j’ai parcouru plusieurs fois tous les livres
    les couvertures des livres
    les métadonnées de ces livres
    les titres et les auteurs
    tous ces livres
    un catalogue super riche
    mais tant de titres des fois c’est normal ben on passe à côté
    donc
    quand il a fallu trouver ce livre ce premier livre je me suis simplement posé la question suivante :
    c’est quoi le livre vers lequel tu reviens tout le temps et dont tu parles à tout le monde ?
    c’est devenu tout de suite beaucoup beaucoup plus simple
    je parle tout le temps de ce livre les SMS de la cloison de Philippe Rahmy
    doit y avoir une raison

    Première sortie dans Paris à vélo. C’est un vélo qui a mon âge, a appartenu à une colonie de la SNCF, a dormi dans le château de la colonie pendant vingt ans, avant d’être remis en état puis vendu quelque part. H. me dit ce vélo te ressemble. Quoi qu’il en soit aller venir de la Porte de Pantin à la Porte Dorée, puis de là la rue T. Beaucoup de bonheur.

  • 180116

    23 février 2016

    La mosquée de Regent’s Park est d’une tristesse sans nom. Sa dégradation raconte ce que nous deviendrons : un tombeau et quelques graminées ballottées par le vent.
     
    Un autre vieillard lève le nez de son livre. Il respire la bonté. Un instant, j’entrevois la vie derrière la vie, la cause de tout, une présence capable d’animer la matière, les galaxies et les planètes, de fabriquer l’oxygène, de promener le soleil d’un bout à l’autre de l’horizon. Un instant, tout devient transparent. Je vois le sang dans les veines de cet homme en prière et les lois physiques qui structurent la mosquée, une intelligence universelle, des équations monter et descendre à l’intérieur des colonnes, des atomes s’attirer, se repousser, et le sol londonien absorber cette charge, les schistes plonger plus bas vers les nappes phréatiques, toujours plus bas, jusqu’au centre de la Terre. 

    Philippe Rahmy, Allegra, La table ronde

    C’est un film assez court. Deux flics viennent interroger une disparue : elle n’est pas dans son appartement. Dans son appartement, il y a trois chiens perdus. Chaque chien correspond à une époque différente et donc à des souvenirs différents. Dans le film, l’entrelacement des temps est vu comme un truc de fantômes. Les femmes disparues apparaissent en surbrillance et marchent aux côtés de celles qui vivaient avant elles. Il y a une scène comme ça c’est un voyage en voiture et quelqu’un est et n’est pas sur la banquette arrière. Elles descendent lentement vers la plage. Il fait -2° feels -4. On me dit qu’ailleurs il y a de la neige. Allé voir Thierry Crouzet à la BPI parler du droit d’auteur. La différence, c’est que quand c’est du domaine public et qu’on partage on appelle ça partager, quand ça l’est pas c’est du piratage. Mangé un morceau à côté excentré et j’ai oublié où. Parlé de 1 minute et d’algorithmie auto-évolutive et de la conscience des drones avant d’empiler sur la table X pièces. Internet, c’est pas un outil c’est un territoire.

  • 300116

    8 mars 2016

    On court dans l’obscurité. Mon père me parle. Entre chaque mot, sa voix tremble. À quelques mètres, un battement furieux. On allume les torches. Une montagne de chair apparaît. C’est un cerf monstrueux qui porte une barbe blanche et vingt-huit andouillers, un de ces animaux qui n’existent que dans la légende. Une balle l’a frappé entre les yeux, transperçant le crâne de part en part. À travers le trou, on voit du vide, puis le faisceau des lampes qui s’agitent en tous sens. Étrangement, le cerf vit encore. Il roule des yeux malgré le coup qui lui a emporté la moitié du crâne et qui aurait dû le foudroyer. Une minute ou deux, son esprit s’accroche à son corps, comme nourri par toutes les lumières qui luisent dans le bois. Un râle s’élève, une voix primordiale. Les chasseurs se taisent. Les chiens n’osent pas s’avancer. On fait cercle, on attend. Désormais, ce sont des soupirs à blanc, un souffle clair, puis une plainte à fendre l’âme, comme le gémissement d’un enfant. Silence. Vent. Le cerf tombe. Les chiens se jettent, la mâchoire béante, et les hommes avec eux, le poignard levé.
     
    Nous sommes quelques enfants assis à califourchon sur le cerf encore chaud. Ses bois sont accrochés dans les taillis, sa tête relevée. On prend une première photo. D’autres seront prises le lendemain, une fois le gibier sorti de la chambre froide. À l’instant du flash, la forêt se dresse, puis retombe. Le souvenir me restitue ses couleurs, la plaie au flanc de cet animal. Je me souviens m’être dit que j’aurais un jour à rendre compte de cette mort. 

    Philippe Rahmy, Allegra, La Table Ronde. 

    H. me file des médocs. Spontanément je prendrais pas de médocs. H. croit en la médecine moderne. J’aurais plutôt tendance à dire des trucs du genre si mon corps manifeste une douleur c’est qu’elle a besoin de s’exprimer. Je rattrape lentement quelques notes pas écrites ces derniers jours (Mueller). Cette histoire de chiffre c’est débile (tu écriras cinq notes par jour) car le volume de chaque est variable. S’agissant d’inventer par leur biais des extraits d’autres textes, je peux passer plus de temps sur une seule que sur douze. Je termine Allegra, roman de Philippe Rahmy paru ce mois. Une écriture d’une telle limpidité. Peu de mots par phrases. Une narration claire mais poésie. Il est allé mettre les mains dans la fiction, ce qui m’avait laissé hors l’an dernier dans Béton armé 2. Ça a pesé sur moi une autre envie de faire de l’écriture normée. Qu’on peut très bien être beau et clair à la fois.

  • 280416

    28 mai 2016

    Dans le train pour Sainté à gribouiller sur un carnet le déroulement du soir à la bibliothèque de l’ENISE. Invitation du club littérature des étudiants là-bas, parler de création littéraire hybdride et comment dire multisupport. Ai construit une carte pour ça, via uMap, c’était l’étape marrante, après je me suis dit je vais broder sur ça. C’est ce que je fais dans le train pendant qu’une femme à droite dort, pète sa tablette, m’emprunte une prise pour charger ce qui tient d’ordinaire dans la paume de sa main. Le truc se passe, j’ai l’impression que ça se passe bien. C’est prétexte à parler de plein de trucs différents 3, c’est prétexte à parler de trucs flous dont on peine parfois à comprendre ce que c’est. Super bien accueilli, par la bibliothèque et par les étudiants. Répondant aux questions je me retrouve à dire [qu’en écriture] il n’y a pas beaucoup de place pour le plaisir. Ce n’est pas correct ce que je dis. Ce serait plus correct de dire : il y en a mais moi je le vois pas. Le plaisir il est dû. En discutant un peu derrière je relie Ulysse au travail de Laurent Margantin sur Kafka, d’Antoine Brea sur Dante et sur Chrétien de Troyes, de Christine Jeanney sur Les vagues. Donc je suis pas tout seul. Les étudiants de l’ENISE me montrent les moutons de l’ENISE qui sont là, dans de l’herbe, près d’un parking fermé par dessus quoi il faut sauter pour pouvoir déclencher l’ouverture automatique d’un truc oui mais de l’autre côté. Là, il y a une demi-douzaine de sacs Eastpack dans un coffre et ils m’invitent manger dans un resto qui est situé derrière l’église devant laquelle, il y a plus de quinze ans, on se rassemblait avant partir jouer un match de foot le week-end quelque part avec des maillots jaunes, des shorts bleus, des chaussettes jaunes et des qualités athlétiques inégales. Lasagnes aubergines. Devant ça il est question d’Occupy et de RDM, de BD en ligne et de fantasy, de Dune et de Baudelaire, de chiffres de vente et de Philippe Rahmy. Ça se terminera là où la nuit fronce, entre des lampadaires gris en forme de cloche, dans un coffre de voiture où je gribouille une dédicace sur un bout de mondeling.

  • ❆ Lectures 16

    3 septembre 2016

    janvier

     Svetlana Alexievich, La supplication, JC Lattes ⇄ journal du 151215, 181215, 211215 & 030116.
     Wu Ming 4, L’étoile du matin, Métailié ⇄ listing adolescent.
     Samuel Beckett, Stirrings still, OR Books
     Philippe Rahmy, Allegra, La Table Ronde ⇄ journal du 180116 & 300116.

    février

     Clarice Lispector, Un apprentissage ou Le livre des plaisirs, Éditions des femmes ⇄ journal du 310116 & 050216
     Michael Seidinger, The Strangest, OR Books ⇄ journal du 010216.
     Vincent Message, Défaite des maîtres et possesseurs, Seuil ⇄ journal du 080216, 110216, 140216 & listing adolescent.
     Michal Michalik, A Cold Grave, Le vaste web ⇄ journal du 120216.
     Collectif, Watchlist, OR Books ⇄ journal du 140216.
     Lucien Suel, Dérives dans l’espace temps, QazaQ ⇄ journal du 190216 & listing adolescent.
     Ludovic Degroote, josé tomás, Éditions Unes ⇄ journal du 200216.
     Goran Petrović, Atlas des reflets célestes, Éditions Noir sur Blanc ⇄ journal du 210216 & 250216

    mars

     Pierre Senges, Achab (Séquelles), Verticales ⇄ journal du 260216, 040316, 070316, 250316 & listing adolescent
     Pierre Bergounioux, Carnet de notes. Journal 1980-1990, Verdier ⇄ listing adolescent
     Valerio Evangelisti, Les Chaînes d’Eymerich, La Volte
     Georges Cheimonas, roman, Noël Blandin ⇄ journal du 070316
     Pier Paolo Pasolini, La persécution, Seuil ⇄ journal du 090316 & du 120316
     Luvan, Walvis Blues, maelstrÖm reEvolution ⇄ journal du 130316
     Pierre Souvestre et Marcel Allain, Le mort qui tue ⇄ journal du 130316, 190316 & 270316
     Antoine Dole, Laisse brûler, Sarbacane ⇄ journal du 280316
     Ezia Polaris

    avril

     Éric Hazan, Une histoire de la Révolution française, La Fabrique
     Frank Herbert, Dune, Chilton Books ⇄ journal du 280416
     Marie Redonnet, L’accord de paix, Grasset ⇄ journal du 030416
     Marc Perrin, Spinoza in China, Le Dernier Télégramme ⇄ journal du 090416, 170416
     Pierre Bergounioux, Carnet de notes. Journal 1980-1990, Verdier ⇄ journal du 070416 & du 090416
     Elizabeth Legros Chapuis, Dans la forêt des livres
     Ivan Tourguéniev, Le Bureau particulier du domaine, La Pléiade ⇄ journal du 120416 & du 170416

    mai

     Frank Herbert, Dune, Chilton Books ⇄ journal du 060516, 280516
     Marc Perrin, Spinoza in China, Le Dernier Télégramme ⇄ journal du 030516, 080516 & 090516
     Pierre Bergounioux, Carnet de notes. Journal 1980-1990, Verdier ⇄ journal du 200516
     Elizabeth Legros Chapuis, Dans la forêt des livres ⇄ journal du 220516
     Anthony Poiraudeau, Projet El Porcero, Inculte ⇄ journal du 220516
     Arnaud Maïsetti, Quand la nuit vient ⇄ journal du 200516 & 250516
     Quentin Leclerc,Saccage, Éditions de l’Ogre ⇄ journal du 250516, 290516 & 010616
     Berit Ellinsgen, Not Dark Yet, Two Dollar Radio
     Philippe Aigrain & Christine Jeanney, Versées ⇄ journal du 290516
     Jacques Ancet, L’incessant, publie.net ⇄ journal du 270516 & 010616

    juin

    juin16-2

     Frank Herbert, Dune, Chilton Books ⇄ journal du 060516, 280516
     Max Porter, La douleur porte un costume de plumes, traduction Charles Recoursé, Seuil ⇄ journal du 030616 & 040616
     Jérôme Orsoni, Pedro Mayr, Actes Sud ⇄ journal du 130616
     Ocean Vuong, Night Skies with Exit Wounds, Copper Canyon Press
     Virginie Poitrasson, Tendre les liens, publie.net ⇄ journal du 180616
     Pierre Escot, Le Carnet Lambert, art & fiction
     Général Instin, Anthologie, Nouvel Attila ⇄ journal du 190616
     Laia Jufresa, Umami, Buchet Chastel ⇄ journal du 200616 & 020716
     Pierre Bergounioux, Carnet de notes. Journal 1980-1990, Verdier
     Sébastien Ménard, Temps zéro, diafragm.net ⇄ journal du 240616
     Philippe de Jonckheere, Février, désordre.net ⇄ journal du 250616 & 260616
     Philippe de Jonckheere, L’immuable en question, désordre.net ⇄ journal du 270616
     Gloria Ackerman, Traverser Tchernobyl, Premier Parallèle ⇄ Notes sur T. & listing adolescent

    juillet

     Pierre Bergounioux, Carnet de notes. Journal 1980-1990, Verdier
     Gloria Ackerman, Traverser Tchernobyl, Premier Parallèle ⇄ Notes sur T. & journal du 090716
     Philippe de Jonckheere, Février, désordre.net
     Thomas Bernhard, Le naufragé, Folio ⇄ journal du 030716, 040716, 060716 & 090716
     Claude Simon, Le tramway, Minuit ⇄ journal du 140716
     Ivan Tourguéniev, Le Journal d’un homme de trop, La Pléiade ⇄ journal du 160716 & listing adolescent
     Mariam Petrosyan, La maison dans laquelle, Monsieur Toussaint Louverture ⇄ listing adolescent
     Timothée de Fombelle, Vango, Gallimard Jeunesse ⇄ listing adolescent
     Henri Simon Faure, Je me brûle l’œil au fond d’un puits, Du Lérot ⇄ journal du 160716, 220716 & 260716
     Edgar Lee Masters, Spook River, Nouvel Attila ⇄ listing adolescent
     Corinne Lovera Vitali, Nitti, Gallimard ⇄ journal du 240716 & 260716

    août

     Edgar Lee Masters, Spook River, Nouvel Attila ⇄ listing adolescent
     Stephen King & Peter Straub, Talisman
     Martin Page, Je suis un dragon, Robert Laffont ⇄ listing adolescent
     Živko Čingo, La grande eau, Nouvel Attila ⇄ journal du 100816 & listing adolescent
     H.G. Wells, The invisible man ⇄ journal du 130816
     Cyprien Luraghi, Coup de rouge
     Eric Chauvier, Contre Télérama, Allia ⇄ listing adolescent
     Baptiste Morizot, Les diplomates, Wildproject ⇄ journal du 080816, 100816, 150816, 210816 & 270816
     Julio José Ordovás, L’Anticorps, L’olivier ⇄ journal du 220816
     La Bhagavad Gîtâ
     Ezia Polaris
     Goethe, Faust, GF Flammarion ⇄ journal du 210816, 270816 & 280816
     Markiyan Kamysh, La zone, Arthaud ⇄ journal du 310816
     Emile Souvestre & Marcel Allain, Fantômas : L’agent secret ⇄ journal du 020916

  • 100917

    10 octobre 2017

    J’étais comme un point sur une feuille blanche, immobile et verrouillé, mais ce point contenait un cercle qui ne demandait qu’à s’élargir. La force qui m’emprisonnait pouvait aussi me porter. Il suffisait qu’elle s’exprime durablement.

    Philippe Rahmy, Monarques, La table ronde

    Couru avec H. 40min36, 7km21, sur le Natalon. Un jogger à la foulée tordue, tache d’encre entre les omoplates. Peu de chiens. Le cadavre d’un pigeon, la tête arrachée à son corps tout en sang. 641 mots pour Eff.

  • 110917

    11 octobre 2017

    Ni ma mère, ni moi, ni le docteur Caboussat qui rend visite au mourant une fois par jour, personne ne comprend comment ce fumeur aux poumons liquéfiés parvient à se maintenir ainsi au bord de la vie, perché sur la maigre corniche de son corps, cramponné du bout des ongles à sa peau. Il se peut que sa maigreur le protège.

    Philippe Rahmy, Monarques, La table ronde

    Non, rien, presque rien. 668 mots pour Eff.

  • 130917

    13 octobre 2017

    Froid. Pluie tout le jour. Je rêve de soupe et de sauna, là. Quand tu penses qu’il y a un mois exactement tu étais à Sauve et qu’il faisait 35... Encore une fois il faudra aller quémander la Nocertone qui est en pénurie. Arrivent à en avoir à coup d’une boîte, deux boîtes. Deux boîtes, ça me tient un mois, ça. Chaque jour depuis le début de la semaine je suis tenté de ne pas écrire le journal, de ne pas écrire Eff, de ne pas retranscrire le procès Pistorius. Mais je le fais quand même. 549 mots pour Eff. Terminé l’avant-propos pour ADP en écoutant John Adams. Philippe Rahmy, dans Monarques, sur le bouillonnement géographique et temporel de son écriture dans ce livre :

    J’ai progressé à la manière d’un patineur qui déplace son poids sur une jambe, puis sur une autre, semblant sur le point d’effectuer un virage à quarante-cinq degrés à chacune de ses relances, voire de tomber, mais qui, de déséquilibre en déséquilibre, va vers l’avant.
  • 160917

    16 octobre 2017

    Flou dans l’œil droit. Eff : 557 mots, sur le Natalon. Quel film magnifique. Monarques, de Philippe Rahmy : un livre d’une justesse et d’une humilité assez remarquable. L’écriture, dans la lignée d’Allegra est très pure. J’ai peine à m’imaginer combien il faut raboter dans la langue pour parvenir à une limpidité pareille. Sur cette écriture, justement : Je serais incapable de nommer un tel espace autrement qu’en disant qu’il constitue désormais le cadre élastique d’une histoire sans début ni fin, mais formant un bloc homogène de fragments qui semble très ancien. Puis, quasiment à la fin du livre : Que vienne ou que s’apaise le tumulte, il n’y a rien à pardonner. Il faut vivre davantage.

  • 011017

    2 novembre 2017

    Octobre encore. Couru sous le crachin et avec H. Trois tours du lac sur le Canto Ostinato synthé. 6km72. 38min20. Des chiens mouillés (mais heureux) courant avec leurs maîtres et des envies d’ailleurs. Eff, total à fin septembre : 267 000 mots. On est à 2000 mots d’Ulysse (faire sauter la moitié). Kerouac : Nous étions trois enfants de la terre, qui essayions de nous affirmer, la nuit, contre des impostures séculaires, dans le noir. Douleurs après avoir couru dans le dos et à gauche. C’est un nœud quelques centimètres au-dessus de l’omoplate, dans le creux, sous l’épaule. Ça tire. 518 mots forcés pour Eff encore, sur les Circle songs de Francesco Tristano. Je suis encore sur ce Morphine 01 à réécrire. Ça prendra beaucoup de temps, le nez perdu dans le vide, à regarder le chauffage se déclencher dans l’immeuble sans que je le sache encore. Ou bien passer à Bercy sans parvenir à mettre les petites billes dans les trous pour que ça prenne, mentalement, et un jeu à 50 balles c’est trop encore, surtout pour un truc auquel tu joueras pas avant au moins trois mois, je suis revenu comme ça dans l’immeuble, sans, et c’est à cet instant que je vais comprendre. Il y a un truc qui s’appelle Neue Meister Live in Berlin, j’écoute ça. On m’a envoyé par la pensée, il y a quelques jours, un film. Ça s’appelle Ulysse’s Gaze. C’est un très beau film et onirique, mélancolique, brumeux. Il y a cette scène un peu avant la fin, à Sarajevo, pendant la guerre. Les jours de brume sont les seuls où la population peut vivre normalement, alors il y a de la musique en pleine rue, des concerts, des pièces de théâtre qui se jouent. C’était beau. J’apprendrai sur Twitter la mort de Philippe Rahmy. Très triste. J’avais eu l’occasion de correspondre un peu avec lui, nous parlions de porter le très beau Architecture nuit en papier pour publie. Beaucoup de respect pour son œuvre et pour son écriture. Je parle souvent de SMS de la cloison quand il s’agit de présenter les spécificité de ce qu’il s’agit souvent de nommer l’écriture numérique. Mouvement par la fin, c’est un livre vers quoi je reviens si souvent. Là où il est, ce livre, je n’ai qu’à tendre le bras pour l’atteindre. Et c’est sur Allegra que j’ai commencé à écrire les premiers brouillons d’Eff, il y a plus de deux ans. Monarques il y a quelques semaines. Je devais justement le recontacter depuis des jours, au sujet d’Architecture nuit, mais aussi pour lui dire combien Monarques m’avait touché. Je n’ai pas arrêté de remettre au lendemain, faute de temps me disais-je. J’y repensais encore avant-hier pour je ne sais quelle raison.

  • 121017

    12 novembre 2017

    J’étais à Montparnasse. J’irai manger à Sushi Gozen. Avec Virginie un moment au café de l’Atlantique. Ça me remplit d’énergie cette discussion. Il y a la soirée du 26 à L’autre livre à préparer. Sushi gozen propose d’autres trucs le midi que le soir. Des nouilles Udon à la sauce soja. Tout est bien tenu froid par des glaçons. Comment ça se mange ? Le temps était bizarre : n’arrêtera pas de passer de très ensoleillé à l’hyper nuageux. Tu es là, tu marches. Tu lis des trucs qui te stimulent. D’autres moins. Je penserai encore à S. Je ne sais même pas s’il y a un moment dans ce journal où je raconte quelque chose de lui et de son histoire 4. La réalité, c’est que je ne l’ai pas connu. C’était un commercial terrain, un collègue de chez STAT, du temps où je bossais encore chez STAT. J’étais là depuis quelques mois. Je déjeunerai une fois avec lui, dans un lieu hyper glauque qui a fermé depuis. Il avait eu un comportement déplacé à l’encontre de quelqu’un qui était proche de moi, dans son dos. Ça me marquera cette histoire. Assez ensuite pour culpabiliser de n’avoir plus en tête que cette image de lui. Une autre fois était passé au bureau présenter aux collègues avec sa femme (ou sa compagne) son fils (sa fille ?) qui venait juste de naître. S. est mort. C’était un peu plus tard cette année-là, en septembre, moi je suis rentré dans la boite en mai au moment où l’affaire DSK éclatera, à un ou deux jours près. Il y avait un salon auquel la boite participait, un truc chiant comme tout qui nécessitera la présence de chacun sur un stand insipide, bref. Il s’était fait porter pâle. Du moins, c’est ce que les langues diront de lui, dans son dos. En réalité, il sera hospitalisé pour un truc, personne ne sait quoi. J’ai oublié combien de temps ça a duré ce machin. Entre neuf mois et un ans, je crois. Un matin, donc, on nous annoncera par email sa mort, et comment. C’était un truc horrible. Une fasciite nécrosante. Il a perdu petit à petit ses membres et ses organes. Abominable. Personne ne saura réellement comment c’est arrivé. C’était important ? Je suppose qu’on se posait des questions. Plusieurs mois plus tard, le DG de l’époque est de retour d’une longue période d’absence. C’était arrivé pendant qu’il était à l’autre bout du monde. Ce jour-là il y a un pot d’organisé, il fait un discours à l’équipe sur le mode vous avez bien travaillé sans moi. C’était convivial et tout. Puis il dit quelque chose comme l’entreprise se porte bien, tout s’est bien passé durant mon absence, je retrouve une équipe soudée, personne n’est mort... Personne n’a relevé ni parlé d’S. Mais c’est faux, non, quelqu’un a réagi. C’est tout. Tous les autres, ça ne nous est pas venu à l’esprit et on s’est contenté de sourire : on attendait ça de nous. Ce sera plusieurs mois plus tard. L’eau avait coulé. C’est ma deuxième source de culpabilité vis à vis d’S. Longtemps plus tard, plusieurs années après, son nom était toujours dans la base des comptes mail de la boite. Personne n’osera le supprimer. Une espèce de fantôme numérique dont on verra le nom parfois, par exemple lorsqu’il y avait des messages à envoyer à l’ensemble de la filiale. La fille qui devait s’occuper de ça ensuite est partie après avoir piqué quelques dizaines de milliers d’euros dans la caisse du CE, dont elle était aussi la trésorière, mais c’est une autre histoire. Je suis parti moi aussi. J’ignore si S. est toujours enregistré dans la base mail ni s’il apparaît encore dans les messages groupés. Mais je comprends. Après tout, je suis juste incapable d’unfollower Philippe Rahmy ou Maryse Hache. Mais je repense souvent à S. et à la façon effroyable dont il est mort. À la fin, nous a-t-on dit, il ne pesait plus que la moitié de son poids d’origine. Ça se retrouve, fatalement, dans ce que j’écris. Mais je n’ai pas connu S., non. Donc ai-je le droit de l’écrire ? Une autre culpabilité ? On m’a dépeint son portrait mais plus tard, après coup. Des anecdotes de bureau, des trucs tendres. Et moi qui n’ai donc qu’un souvenir de lui, ce déjeuner glauque au cours duquel le patron, dégueulasse, venait draguer chaque cliente et où, lui, il a dit à la stagiaire qui nous accompagnait, parlant de quelqu’un d’autre mais dans son dos : tu feras attention à elle : elle préfère les femmes, tu sais. Qu’est-ce que j’aimerais ça, pouvoir me débarrasser de ce souvenir... Il m’est arrivé plusieurs fois par la suite d’aller chercher les quelques mails qu’on s’était échangés durant ces deux trois mois de travail en commun, simplement pour relire. C’était des trucs banals. Des trucs de boulot, quoi. Des demandes de conseil, des rappelle tel client, des je veux des spare parts. Je ne les avais pas jetés, rien. Ils sont dans un dossier quelque part. Peut-être encore présent sur un serveur ?Ensuite, un peu avant tomber sur ce lapsus de l’œil étrange, écorcer le vent, j’ai roulé un peu sur le fil du rasoir : je suis vraiment sur la brèche, là. Je suis en dépassement de quota d’écran, je dois faire attention. Je relirai Il y a le chemin, de Jean-Yves, précisément pour préparer cette rencontre du 26. La dernière partie du livre, « D’un hiver », voilà de quoi j’avais besoin ici.

    Sans fin filait cela du blanc sur fond blanc à peine silhouettes entrevisions brèves guère plus que des rêves mauvais dans la plaine et le gel.

    Partout craquements
    grincements de glaces
    qui se dilatent
    tout fissurait
    se figeait debout
    se renversait
    chocs sourds de ténèbres
    cendres la parole même
    la chaleur vive enfuie
    n’était plus qu’ombre d’elle-même.

    Ce qui étendait son emprise
    l’ici borné
    perclus d’un sommeil muet
    infini
    parmi les hommes
    ne se déferait pas au printemps.

    Quand la lumière vient à manquer
    la course s’accélère sans fin.


  • ↑ 1 C’est faux : pour des raisons de calendrier, SMS sera finalement programmé pour la semaine 39, à partir du 21.

    ↑ 2 En réalité c’est une lecture de septembre 2013.

    ↑ 4 En fait il y a trois entrées du journal au moins au cours duquel je parle de lui, sans compter Grieg : le 210812, le 090713 et le 250715.