David Menear



  • 120509

    12 mai 2009

    L’orage de cette nuit ayant fait gonfler les plaines et vomir les marais, ils nous font passer par les voies ce matin pour accéder au quai les pieds au sec. Le tunnel souterrain (bref regard entre les rubans jaunes, reflets dans l’ombre grise) est complètement inondé. Les pompiers, hommes et femmes, vissés autour, regardent, leurs polos bleus moulés au corps.

    A l’intérieur (du train), tous les sièges sont tournés ensemble dans la même direction, nous prenons place. Les visages ce matin renversés ne s’affichent pas. Ne restent que les nuques étalées dans la profondeur du wagon jusqu’au bout de l’escalier. Tous corps tournés, regards hors champ, vers un point de fuite plastique, sorte d’écran qui n’y est pas. Je suis au premier rang. Je me retourne mais ne distingue pas les visages restés derrière. Le corps d’un croquis potentiel pourtant s’y présente, mais rien ne vient. Je me force à dresser cette esquisse en une phrase qui n’accroche pas, elle reste en langue, à l’intérieur1. Seulement des nuques, des nuques brisées, derniers boutons ouverts sur gorge serrée, le roulis du train subi.

    Durant ma pause de midi (déplacée treize heures dix), E. m’appelle sur mon portable : je suis perdue dans Paris, dit-elle. Cette journée (je lui réponds) est juste horrifique du début au lendemain. Passé ce préambule, nous nous résumons sommairement nos expériences mutuelles. En raccrochant je me rends compte que je ne l’ai pas aidée à retrouver sa route, signe qu’elle n’avait probablement pas besoin de moi.

    ________________

    1 En pareille occasion, David Menear écrirait (d’ailleurs c’est ce qu’il a fait) : « Il aimerait bien disparaître au noir sur mon rétroviseur : trop facile, regard ailleurs, il aimerait bien. » (Journal des sens, Volume 3)

  • 100609

    9 juin 2009

    Poursuivons dans les chiffres : 6 boites de deux fois 8 comprimés de Daffalgan 1G pour faire des stocks. Je sais plus combien ça m’a coûté : j’ai payé sans voir. C’est ma drogue blanche fictive dorsale en comprimés. Dorsale parce que je sais pas. Fictive parce que c’est pas vrai. Blanche parce que chaleur faisant migraine repart et perce molle en fin de journée, revient par derrière et tombe sur les yeux : je sais enfin ce que ça fait l’impression de vomir par les orbites, sauf que c’est une image donc c’est pas vrai. D’ailleurs c’est pas si nocif que ça et le sang pulsé part vite et tape même pas, comme il devrait, et même baiser ça booste pas la douleur alors qu’est-ce qu’il y a à comprendre ? H. me dit : c’est dégueulasse de te faire porter le chapeau, je dis : quel chapeau ? H. me dit : tu devrais consulter pour ta tête et je dis : je veux pas vraiment plus avoir mal.

    Lu dans le train (aller / retour) biographie succincte de David Foster Wallace (The Lost Years & Last Days of David Foster Wallace, par David Lipsky) dont je n’ai jusque là jamais lu le moindre mot. L’article traduit est paru dans le premier Zanzibar Quarterly (« tirage limité à 1500 exemplaires, c’est le moment de vous le procurer ») dont je reparlerai sans doute. D’ici là, motus.

    Croisé aussi des corps sans vie bien zombifiés qui traînaient leurs peaux sur des dizaines de quais. Peur primaire n’apparaît pas, mais David Menear écrit dans une de ses cartes postales : « Les corps croisés par cœur c’est des cancers bien mis. », ouais, alors je me rappelle la phrase. Je me demande combien de corps croisés sens inverse me voient pendant que moi je les vois pas. Faudrait compter. Arrêter et reprendre chaque fois qu’on se perd dans les chiffres. Arrêter souvent, reprendre idem.

    Pensé à Coup de tête sans pourtant peser le moindre mot. Me suis dit que si je continuais la découpe de la partie 1 (faudrait encore charcuter dix pages, je pense, mais pas dix pages de suite, dix pages disséminées entre les phrases, entre les mots, des soixante autres) Coup de tête ça tiendrait plus que sur un timbre poste. Et ça dirait quoi ? Que ma main, main droite, me chope la gorge ? Que je compte les corps en sens inverse ? Que je plante la chair dans le moignon ou le moignon dans la chair ? Qu’Ajay attend à côté de moi muet comme on pourrait pas dire ? Peut-être bien.

    J’ai pas dormi la nuit dernière, j’ai mal aux yeux. Ce temps d’insomnie tombé au pif, l’aurait fallu l’utiliser pour mieux écrire, travailler un peu, mais je l’ai pas fait. Hausse les épaules. Pourtant là qu’on est le plus efficace, le plus dévoué : quand la fatigue retire aux gestes, aux têtes, tous les moulinets inutiles.

    P. aussi s’enterre dans son mutisme : pas de mail, rien. Moi non plus d’ailleurs. D’ailleurs j’ai pas ouvert ma boite mail en question. D’ailleurs même pas envie de le faire.

  • 011109

    1er novembre 2009

    H.jpgD’abord une première idée crépite dans la tête, je n’ose pas trop y toucher. Une fois les premières phrases lancées sur l’écran, le résultat est souvent piteux : en un quart d’heure à peine, voilà des mois de rêverie les yeux ouverts assassinées. Les premières phrases sont décevantes, elles cassent l’image muette encore pleine de possibilités qui circulait derrière mon crâne, à présent réduit à une médiocrité de plus. C’était le cas pour Ernesto & variantes cet été, c’était pareil avec Scapulaire, récit fantôme perdu à jamais il y a deux ans. Hier, Halloween, j’ai noté deux titres différents sur la page, parce qu’il fallait bien en enregistrer un pour le fichier : Vers Dzoungarie via Tacheng ou encore 46° 16,8’ latitude nord / 86° 40,2’ longitude est. Je préfère le deuxième, mais j’ai manqué l’incipit. À refaire.

    Dans son Journal des morts1 David Menear, à cette date du 1er novembre, mais d’il y a dix ans, écrit :

    Hier Halloween, maintenant nous fêtons ça. On a sonné à la porte, la porte était fermée. Je n’ai rien dans mes placards, rien mangé depuis des jours. J’ai glissé par la fente un paquet de jambon périmé, des toasts, pâté Hénaff, un yaourt 0% vidé à la petite cuiller. Je leur ai demandé : vous êtes combien, ça vous suffit ? Pas de réponse. J’ai regardé par la fente, j’ai vu des jambes, j’ai vu sous les costumes. J’ai mis un disque, n’importe lequel, plus fort que leurs voix pour étouffer les mots qu’ils ont peut-être hurlés.

    Demain 90 jours que je ne me serai plus regardé dans un miroir.

    ________________

    1 Journal qui est en réalité le volume VI caché du Journal des sens, publié posthume, écrit en attendant la mort, pensé pour meubler un an d’une vie qu’il se sait incapable de poursuivre, journal fictif qui couvrira finalement quinze mois de vie anticipée qui « aurait pu être, mais probablement pas ». Les derniers mots chronologiques sont en réalité, quinze mois et un volume avant le terme de son Journal : « Demain mardi, attendre encore. »

  • 131109

    13 novembre 2009

    Aujourd’hui vendredi 13 : surdité oreille gauche. C’est aussi celle qui entend fuser les conversations des passants, deux étages plus bas, dans la rue adjacente. Aujourd’hui vendredi 13 : aucune conversation.

    46° 16,8’ latitude nord / 86° 40,2’ longitude est se cherche. J’ai déjà écrit cinq premiers paragraphes différents, ce n’est pas encore ça. Ma récente lecture d’Invisible m’invite à chercher le changement de narration : parler au tu, au vous, par exemple. Parler à l’infinitif, au participe passé, alterner un paragraphe sur deux rêve/réalité, dans le sillon de Volodine. Mes actuelles obsessions musicales me conduisent à calquer le récit sur la chanson Exit music (for a film) de Radiohead : d’en faire un crescendo, de gueuler à la fin. La trame est là, un peu vague, issu d’un rêve de 2008. Ce sont des idées éparpillées, ce n’est pas encore bien réel.

    J’ai terminé le week-end dernier une version satisfaisante de la troisième partie de Coup de tête. Après avoir relu tout court, je relis sur liseuse, bascule d’un format vers un autre, écrème ce qui accroche encore. D’ici la fin du mois ce sera bouclé. Je crois avoir trouvé ma fin : elle me conduira très probablement à amputer la cinquième partie, qui jusque là faisait office d’épilogue. Je n’ai aucun scrupule à le faire.

    Demain croiser V. et N. à Paris, entre deux gares. Nous y échangerons quelques anecdotes et autres informations sur nos actualités respectives. La mienne sera la suivante : je me rendrai ce lundi à un entretien d’embauche, le premier depuis plus d’un an, je ne suis plus très sûr de savoir comment faire et, pire, quoi dire. Je ne pense pas être pris. Je ne suis pas sûr de le vouloir.

    A la date du vendredi 13 d’un mois quelconque, probablement milieu ou fin des années quatre-vingt, David Menear écrit (Journal des sens, Vol 1) :

    Aujourd’hui vendredi 13, vu dans le miroir un premier poil poussé sous la gorge, entre clavicules. Observé à la loupe, curiosité. Quel âge avoir ? Quand est-ce qu’on est ? J’en ai craché par terre. Je détesterai que cela puisse se produire encore : j’ai eu la sensation très réelle (et donc la certitude) que je n’avais pas été assez désiré, et je ne peux être désiré qu’imberbe.

    Une fois arraché, je trouverai bien d’autres dizaines de corps sans visages qui voudront bien me baiser imberbe et recommencer. Qu’au moins cette image là s’accroche et qu’ils daignent bien s’y laisser prendre.

    Aujourd’hui vendredi 13, métro du jour d’avant, l’un de ces vieux types au pardessus passé collait sa bite contre le cul d’une fille, elle-même plaquée contre la vitre. Le wagon était vide hormis nous trois, alors je me suis collé à lui à mon tour pour voir ce qu’il dirait ou bien pourrait sentir.

  • 281109

    28 novembre 2009

    1

    Semaine plus longue qu’aucune autre, des heures à attendre qu’enfin elle se termine. Heures à fixer murs blancs, ciels blancs derrière les fenêtres, rues silencieuses et brises glacées de fin novembre. Un degré perdu par jour au moins, dit la météo. Cet air là gagne l’intérieur de l’appartement. Je ne chauffe pas pour autant : je me retiens de chauffer plus : j’attends de ne plus avoir d’autre choix que de chauffer plus : je garde les genoux repliés contre moi et attends que les heures passent.

    2

    Hier, appel de PDG qui souhaiterait savoir si je suis « toujours disponible » pour travailler chez eux, je réponds oui. Quand commencer ? Le 7 décembre. Je réponds oui. Mes horaires proposés, salaire, je réponds oui. Je raccroche. Durée de la communication : 1’27min, le vide m’attend.

    3

    Mercredi dernière correction apportée à Coup de tête troisième partie. J’ai créé le fichier « Coup de tête III version potable » que j’ai copié pour H. sur le réseau. Une fois qu’il aura lu et commenté, continuer d’avancer vers 46° 16,8’ latitude nord / 86° 40,2’ longitude est et, au-delà, Coup de tête IV.

    4

    Ernesto & variantes sera lisible en février prochain dans le prochain numéro de la revue Cyclocosmia (ce n’est pas moi qui le dis).

    5

    Journal des sens, volume 2, David Menear, années quarante sans doute, à l’envers du temps perdu :

    Aujourd’hui comme hier le miroir du salon éclaté devenu inutile. Frappé par terre, poignardé au sol, impact étoile bord du cadre, coin bas et gauche. Toute la surface est déformée. Ce miroir ne sera pas remplacé, je me le suis promis. Je m’y suis regardé, couteau de boucher sous la gorge, souriant comme une photo d’identité, bave aux lèvres, avant de lâcher le couteau et frapper le miroir, je me suis fait cette promesse tacite à moi-même de ne jamais, jamais le remplacer. Que faire des restes de celui-là ? Au feu, cadavre.
  • 221209

    22 décembre 2009

    1

    saratoga.jpgJe me sens parfois comme Jim Carrey sur Saratoga Avenue (Eternal Sunshine of the Spotless Mind) : coupé du monde. Je suis là sans y être, il y a un film opaque entre moi et le reste. On voit flou dedans, on voit mal. On comprend rien.

    2

    L’odeur des clopes sur mes fringues me rappelle que j’ai (pourtant) traversé les autres, hier.

    3

    Quand je vois dans la rue, entre Jules et Natalys, un adolescent qui fait la manche niveau trottoir (le panneau dit « Aidez-moi, j’ai faim », la gamelle du chien est pleine), ma première pensée est : il a des couilles, il est sorti du monde. Deuxième pensée : lui, au moins.

    4

    Mes obsessions sont le deuil et l’amputation, mais je ne sais pas encore ce qui me manque, ni dans un cas ni dans l’autre. Voilà l’objet de mes recherches.

    David Menear, Journal des sens Vol 1 (fragment non daté, simplement identifié comme « Un jour »).



    5

    nounours
  • 030210

    3 février 2010

    1

    Depuis que je bosse pour PDG je ne traite plus directement avec les clients, ça ne me manque pas. Les yeux perdus dans des tableurs à longueur de journée je n’ai contact avec personne sinon formules Excel =somme(L6:L12) et autres listes + pourcentage & moyenne statistique. Mon téléphone perso en ligne de mire, rarement utilisé, ligne fermée souvent, simplement décroché pour contact direct avec la chaîne de production pour préciser des évidences quand il en manque. Mais non, la voix des clients soufflée-outrée dans micro-casque ne me manque pas : me manque en revanche les montagnes de conneries balancées pour les calmer, détourner, perturber, les couloirs de fiction déversés à coup de casse transport + palette perdue + mauvais tracking + dysfonctionnement paroxystique transitoire pour masquer nos erreurs à tous, nos incohérences à tous, nos lacunes à tous : mais qu’au moins l’entreprise ne soit pas responsable des problèmes rencontrés. Des jours c’était : aujourd’hui je serai honnête avec tout le monde et sur tous les sujets, mais jamais j’y parvenais.

    2

    Un jour H. et moi partions pour trois semaines, voyage en transsibérien jusqu’en Chine, au moins. En train, assis, je rêve de train, je suis comme ça. Le poivrot à ma gauche me déborde et me presse contre la vitre glacée : il sent l’orange ou mandarine gelée.

    3

    Depuis ce matin 17h34 est de nouveau accessible : j’ai renseigné à la main le fichier conf défiguré il y a quinze jours. D’autres couloirs de fiction s’apprêtent à déferler.

    4

    Salon K., la dépressive me coiffe encore. Pas un mot du début à la fin, pas un sourire. Je sais bien que c’est une requête spéciale de ma part pour qu’on me foute la paix mais a-t-elle besoin d’être mutique à ce point ?

    David Menear, Journal des sens vol 3.

  • 150310

    15 mars 2010

    femur.jpgEn marge du Journal des sens (mais réellement en marge : c’est à dire dans des coins de feuilles brouillon, à l’envers, entre les blancs et sous les titres), David Menear compose un autre pan aléatoire de son Journal général. Chaque matin il s’astreint à l’écriture de la phrase : la première apparue. Il l’écrit une fois, la fixe et n’y revient plus. Souvent prétexte à la « scarification des rêves », parfois incohérente, généralement sans ponctuation ni majuscule. Il tient journal chaque matin avant premier mot prononcé, avant surtout l’écriture du vrai, le réel, celui qui fait œuvre et qu’il nomme Journal des sens. Un titre pour cet ersatz perpétuel qui rappelle un peu les larmes d’Henri Calet (dont il est contemporain) ? Pas vraiment. Plusieurs sont mentionnés dans le chaos du texte mère. Il écrit essais sans y croire ou une autre de ses variantes : essais semés qui flanchent. Il écrit aussi fragmentation du m... tel qu’on l’avale. Il écrit où le grain pousse, il écrit miniatures percéptibles, parfois variante : des miniatures perceptibles. Le seul titre à posséder majuscule est moqué dans la phrase qui suit : Merde Blanche. Les extraits choisis sont tous dus au hasard : celui du doigt aléatoire plongé entre les pages.

    paris catamaran sans histoire
    je t’ai fait triste

    comme une poupée vaudou
    tout droit sorti de mes rêves les plus mous

    demain énumérer les jours où je n’aurais pas pu les énumérer
    avaler l’âme
    au microscope
    au microscope
    décortiquer
    nuit de foutre & de lumière ils m’en ont mis plein les yeux
    préférerais encore en mon âme & conscience être un chien dans la nuit ou un fémur de chien
    j’ai laissé dans mes mains mon visage et dans mes mains mon visage s’est perdu
    trop peu d’air
    sous le torse
    & trop peu comme on pourrait pas dire
  • 180810

    18 août 2010

    cacaaaaaaaa.jpgAu début, presque tout début du Journal des sens, David Menear fait encore des listes, il écrit encore des mots découpés par des tirets incohérents. Les premières entrées du JdS ne sont pas datées.

    J’ai-me rien. Exceptions :

     épaules de mec vues derrière, tâches de rousseur
    – vendeur des fruits du métro, gueule-de-cheval, celui qui hurle

     prénom E-tienne

     chier dans l’herbe verte
    femme sur le trottoir dimanche, sabre le champagne et boit & bave sur les parechocs des bagnoles
    pieds nus, perdue à St-La-zare.

     écrire le journal d’un autre (trouver nom fictif adé-quat comme « Guillaume Vis » mais mieux) pour y fixer mes hontes

     Cherchez le garçon

    David Menear, Journal des sens Vol 1, p. 24.

  • 190411

    19 avril 2011

    Je tire mes addictions de mon propre corps en mouvement. Je craque moi-même mes articulations à tout niveau et à toute heure, sauf pour la nuque, même si je voulais je saurais jamais faire (L. saurait). Hier voulu verrouiller les os alors je me déplace, l’ombre à mes pieds figure tendue aux poings fermés, tout ça me démange.

    Radiohead me suggère de ne pas perdre mes nerfs, je perds mes yeux. Demain aller les faire visser pour que l’image s’aligne. Souvenir d’une phrase issue d’un truc de David Menear qui disait en substance qu’il sentait sur sa peau opérer une espèce de momification, d’après lui de surface, et que cette impression jaillissait par les lèvres. Je ne l’ai pas retrouvée. Faudrait version numérique (on sait qu’on en est loin).

    Le bruit du déclic des phalanges me manque et j’ouvre le livre de Stéphanie Marchais en écartant le moins possible les pages les unes des autres, je garde un angle aigu (« ne pas parler c’est aussi tant se dire »), ne pas, ne surtout pas casser la forme sèche de la maquette Quartett pour que le livre soit sauf. J’en relis encore ces quelques phrases soigneusement cornées.

    O’WELL : C’est la graine -
    MAC MOOSE : La graine ?
    O’WELL : mon cœur est en sueur - C’est la graine qui me cause ces troubles. Elle a tellement grandi que je ne peux plus m’en débarrasser. Chaque coup de hache lui redonne vigueur quand je crois en finir. Elle passe sous les portes, effraie les visiteurs, diffuse des propos honteux sur mon compte, craque les murs, vide mon assiette et lape le vin dans mon verre, elle grimpe les escaliers, court sous mes draps et ligature mes poumons, suce mes pieds, murmure dans mon cerveau, enserre ma gorge dans mon sommeil. Bientôt peut-être elle pénétrera ma bouche car elle se plaît en milieu humide et elle me tirera une balle en pleine tête et me tuera parce que je ne suis pas comme il faut que je sois
    J’ai peur

    Stéphanie Marchais, Corps étrangers, Quartett, P.94.