J’étais enfin décidé à partir pour le Groenland, j’avais mis mes bottes et mes vêtements d’hiver, je commençais à marcher le long des monts sur la crête accompagné d’un sherpa quand soudain le ciel s’est assombri là où l’orage filandreux menaçait. J’ai pris la décision de rebrousser chemin et de reporter à plus tard mon périple, ensuite je me serais perdu : il n’y avait qu’un gigantesque cratère noir par où je venais. Comment j’ai fait pour y descendre et où cette corniche m’a conduit je suis bien incapable de le dire : tout ce que je sais c’est que je me suis retrouvé dans une chaumière bien pauvre et qu’on y rejouait l’intrigue et les péripéties d’Into the woods. Nous en étions au moment où Jack échange sa vache contre des haricots magiques, alors ensuite, tout le restant de la nuit noire, je me suis rechanté la chanson mélancolique de Jack dite à sa vache, I guess this is goodbye... ¹

Surprise : notre hiérarchie ² nous permet de quitter quinze minutes plus tôt pour pouvoir voir le match. Une équipe de France finalement éliminée précisément au stade où tout le monde s’attendait, au cours d’un match qui se déroule précisément comme on pouvait imaginer qu’il se déroulerait : battu d’avance par atavisme sportif ³, après quatre-vingt-dix minutes laborieuses, non sans déchet, et de la frustration (mais sans aucune passion). Dans le métro du retour, sous la puanteur chaude, contre un mec qui porte un maillot officiel de France 98, floqué 10 et ZIDANE dans le dos, c’est un vrai, j’ai l’impression d’en voir un, qui plus est de très près ⁴, pour la toute première fois.