Quelles merveilles que les mots écrits avec de l’ombre ! Ils me semblaient mille fois plus vrais que ceux écrits avec de l’encre.

Goran Petrović, Atlas des reflets célestes, Noir sur Blanc, traduction Gojko Lukić, P. 157

Il faut d’abord éteindre la nuque, ensuite la crânure et / ou le crin, non, les cheveux. J’écris dans un moteur de recherche sans jamais faire entrée 7am désinhibé. Suis-je vraiment dans une optique de culpabilisation permanente vis à vis de tout, et notamment de la littérature ? Probablement. Un coup de collier sur Mueller. Ajouté les notes P, modifié les présentes, écrit celle, centrale, du manuscrit de Bure. Demain relire toutes les notes indépendamment du reste, supprimer celles qui n’ont pas de présence et renuméroter. Ne restera plus que de la mise en page et de la technique et ce sera fini. La note S1 1 provient d’Yvain (du moins s’appuie sur lui). Le mode d’écriture est le suivant : deux personnages vivent les mêmes scènes, l’un l’apprenti de l’autre, il vit là dans son ombre (c’est une pénitence) 2 :

(...)Le sieur Haunion a posé plante
sur un tapis d’aiguilles sèches. Tout
est aube nue ⌭ zébrures ⌭ lueurs sans
béance. La soleil git dans les fluves
des pins rougets. Haunion hume. Il se
penche, nez à pic des guilles pour se
remplir de rôme ⌭ de goût. Il cueille
ici l’une de ces guilles ⌭ il mêle sa
trouvaille aux salives machelières. À
l’heure qu’il est sans doute au sol ⌭
à en croire l’éclat de ce ciel (c’est
cinabre), Haunion suppose qu’il est à
matin ou à soir. L’un ou l’autre. Son
cheval rauque est parti en brouttance
⌭ il rine près des souches. Mouches ⌭
cirons s’y massent boire⎖⎖⎖⎖ Caché par
les pins, masqué par leurs filandres,
Haunion pourrait s’agenouiller prier,
puis s’apesantir au tronc de l’un. Il
garde le silence ⌭ jauge, avec le nez
pointu, ce que l’endroit recèle. Dans
son cartilage l’oreille tend ≈ elle a
senti quelque chose. C’est une voix à
la voix claire, une langue d’eau mise
à l’envers. C’est une femme, ou c’est
la pluie future. Sieur Haunion laisse
derrière lui mouches ⌭ cheval ⌭ fonce
prudemment dans la laie sombre pleine
de ronces ⌭ d’obscurité. Une fois sûr
⌭ sûré de ne pas s’égarer, il s’en va
dans l’humus une main au côté près de
la carre de son épée⎖⎖⎖⎖ Son le guide,
son l’hameçonne ≈ la laie est devenue
sentier ≈ la ronce mord à la boule de
ses pieds. Le sol part en pente douce
⌭ fonce, lui aussi, dans une nuit des
guilles gercées. Le bruit de la gerce
va le long de lui comme il va le long
d’elle ⌭ au bout de la sente il voit,
au loin, la forme d’une obscurité. Un
pin plus rauque une fontaine ombroie.
Le son de l’eau en vient. Elle paraît
là comme esseulée de rien. Haunion se
sent tiré par elle. Il proche. Il est
de ceux qui parlementent long lorsque
le monde les met devant l’éruption de
l’orage. Dans sa tête c’est tourmente
⌭ tourments. Que faire ? Soif le vore
⌭ dévore mais son âme est prudente⎖⎖⎖⎖
Il plonge en l’eau qui dort une main,
au creux d’elle il respire⎖⎖⎖⎖ La voix
d’une femme est venue sur son dos qui
lui dit ≈ ΅∙Cher, chair, chevalier de
les guilles ⌭ des pins, tu as humé le
vent, tu as touché les corces ⌭ tu as
bu l’eau mienne. Tu es mien à présent
je t’emmène.

(...)Le jeune Mueller a posé plante
sur un tapis d’aiguilles sèches. Tout
est aube nue ⌭ zébrures ⌭ lueurs sans
béance. La soleil git dans les fluves
des pins rougets. Mueller hume. Il se
penche nez au nez des guilles pour se
remplir d’arôme ⌭ de goût. Il cueille
ici l’une de ces guilles ⌭ il mêle sa
trouvaille aux salives machelières. À
l’heure qu’il est sans doute au sol ⌭
à en croire l’éclat de ce ciel (c’est
cinabre), Mueller suppose qu’il est à
matin ou à soir. L’un ou l’autre. Son
cheval flamme est parti en brouttance
⌭ il rine près des souches. Mouches ⌭
cirons s’y massent boire⎖⎖⎖⎖ Caché par
les pins, masqué par leurs filandres,
Mueller pourrait s’agenouiller prier,
puis s’apesantir au tronc de l’un. Il
garde le silence ⌭ jauge, avec le nez
pointu, ce que l’endroit recèle. Dans
son cartilage l’oreille tend ≈ elle a
senti quelque chose. C’est une voix à
la voix claire, une langue d’eau mise
à l’envers. C’est une femme, ou c’est
l’ondée venante. Jeune Mueller laisse
derrière lui mouches ⌭ cheval ⌭ fonce
prudemment dans la laie sombre pleine
de ronces ⌭ d’obscurité. Une fois sûr
⌭ sûré de ne pas s’égarer, il s’en va
dans l’humus une main au côté près de
la carre de son glaive. Son le guide,
son l’hameçonne ≈ la laie est devenue
sentier ≈ la ronce mord à la boule de
ses pieds. Le sol part en pente douce
⌭ fonce, lui aussi, dans une nuit des
guilles gercées. Le bruit de la gerce
va le long de lui comme il va le long
d’elle ⌭ au bout de la sente il voit,
au loin, la forme d’une obscurité. Un
pin plus rauque une fontaine ombroie.
Le son de l’eau en vient. Elle paraît
là comme esseulée de rien. Mueller se
sent tiré par elle. Il proche. Il est
de ceux qui parlementent long lorsque
le monde les met devant l’éruption de
l’orage. Dans sa tête c’est tourmente
⌭ tourments. Que faire ? Soif le vore
⌭ dévore mais son âme est peureuse⎖⎖⎖⎖
Il plonge en l’eau qui dort une main,
au creux d’elle il respire⎖⎖⎖⎖ La voix
d’une femme est venue sur son dos qui
lui dit ≈ ΅∙Cher, chair, chevalier de
les guilles ⌭ des pins, tu as humé le
vent, tu as touché les corces ⌭ tu as
bu l’eau mienne. Tu es mien à présent
je t’emmène.

GV
vendredi 1er avril 2016 - dimanche 4 juin 2023




↑ 1 J’ignore encore son nom définitif — son numéro.

↑ 2 J’apprends un peu plus tard qu’un film est construit sur ce mode, c’est-à-dire sur un mode totalement différent : Un jour avec, un jour sans. Une écriture viscéralement minimaliste irait dans cette direction-là : le même récit ou les mêmes scènes avec de légères, très légères variations.

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Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net depuis 2015, il mène également ses propres chantiers d’écriture, de piratage littéraire et de traduction.

Livres : Vers Velvet (Pou, Histoires pédées, 2020). Accident de personne (Othello, réédition 2018) · Le Chien du mariage (traduction du recueil d'Amy Hempel, Cambourakis, 2018) · Mondeling (avec Junkuu Nishimura, publie.net, 2015) · Coup de tête (publie.net, 2013, réédité en 2017) · Accident de personne (publie.net, 2011) · Livre des peurs primaires (publie.net, 2010) · Qu'est-ce qu'un logement (publie.net, 2010)