Beau projet découvert via Remue.net ce matin sur une collecte et un appel à rêves. Je ferai ça un jour, quand j’aurai la matière. Pour ça précisément que je remonte le fil de l’amer moire comme dit Enig, pour retrouver un rêve tout frais de la nuit même et je l’ai : je cherche dans le coffret DVD d’Utena un épisode précis qui s’appelle « Par amitié peut-être » et j’enlève les blisters. On me sert un thé aux oignons, je suis sur un canap pas seul. L’épisode que j’ai lancé correspond pas, et l’Utena que je mate n’est pas conforme, là encore, les musiques ont été refaites, occidentalisées, on parle français, le générique est une espèce de vieille soupe house, ils n’ont gardé que le sous-titre, la fillette révolutionnaire (sauf que je suis pas si sûr de ça, c’est peut-être dû à la reconstruction mémorielle). Me rends compte que l’épisode que je voulais voir n’est pas « Par amitié peut-être » mais celui du premier duel avec Juri. Je parle tout seul ici.

Plus tard cet article journal de François Bon sur la matière des rêves et sur cette phrase de Philippe de Jonckheere issue de Contre : « Contre, c’est noter ses rêves tous les matins ». Me souviens très bien avoir noté ce problème l’autre jour, celui de la retranscription quotidienne des rêves 1, et surtout de leur lieu de stockage. Hier, on tweete le journal du 04/04, on me parle de cauchemar, pas un mot que j’aurais spontanément utilisé, d’où mon étonnement. Tenais aussi à jour un certain journal des coïncidences, fut un temps, plus le cas aujourd’hui, par conséquent ne ferai rien de cette entrée. Une autre aurait été possible : troisième fois en trois livre qu’on m’exhume St Eustache. Après Enig marcheur et puis Le chevalier Zifar, il est dans Le dictionnaire Khazar, un labyrinthe dont cet extrait, recopié mot à mot, me rappelle lecture de Manuela Draeger, il y a peu.

Cependant tout le monde ignorait que Kyr Avram avait aussi un troisième fils, un fils adoptif si l’on peut dire. Celui-ci n’avait pas de mère, Brankovitch l’avait fait de boue et il lui avait lu le quarantième psaume pour l’animer et lui insuffler la vie. Quand il en arriva aux mots : « J’ai longtemps attendu le Seigneur et il se pencha sur moi. Et il me sortit de la grotte bruissante et de la boue, et il posa mes pieds sur une pierre et rendit mes pas solides... », les cloches de l’église de Dalj sonnèrent par trois fois, et le jeune homme bougea en disant :
— Au premier son de la cloche j’étais en Inde, au deuxième à Leipzig, et au troisième je suis arrivé dans mon corps...

(...)

En un mot, Petkoutine devint un beau jeune homme érudit, montrant parfois seulement, par des signes à peine perceptibles, qu’il n’était pas fait comme les autres. Ainsi, par exemple, il pouvait un lundi soir choisir, à la place du mardi, un autre de ses jours futurs qu’il utiliserait le lendemain. Et lorsqu’il arrivait au jour déjà consommé, il prenait, pour le remplacer, le mardi qu’il avait laissé de côté, ainsi le compte était bon. A vrai dire, dans ces cas-là, les coutures entre les jours ne tombaient pas come il fallait, il y avait des failles dans le temps, mais cela ne faisait que distraire Petkoutine.

Milorad Pavić, Le dictionnaire Khazar, Mémoire du livre, traduction Maria Bezanovska, P.50-53

Deux tweets, hier et dans la nuit, sur Accident de personne, chaud au cœur :

Nouvel article de François Bon sur la web-édition. Encore une fois, et pour archive, c’est important.

Début du traitement de fond prescrit contre le crâne vendredi. Pas de douleur encore. Peut-être c’est lié : j’essaye de me restreindre, dans le journal, pas trop monopoliser la langue ni les mots et pas trop dire, mais aujourd’hui déborde. Finalement, 1g de paracétamol.

Mueller (401 mots) :

Ce que Mueller mastique ou chante n’a rien d’une
berceuse, c’est une incantation tacite & quelque
chose que l’on ne souffle en général que sous sa
bouche, dans ses dents, les yeux fermés, dans un
sommeil de plomb, enfiévré & des totems d’argile
peints à l’ongle sur les paupières pour conjurer
le mauvais sort. Le fait est que Mueller avance,
les yeux tombés dans le sable, sans savoir où il
va, les corps dans son sillage le suivent, sueur
drainée par les cordes pour seul contact humain.

Je connais cet air & je connais ces paroles & je
sais ce qu’elles recouvrent, sais qui les craint
& qui préfèrera s’ensevelir sous le sable plutôt
que de l’entendre murmuré. Il s’agit d’un air de
répulsion des âmes, il est censé tenir à l’abri,
à l’écart, de certaines rencontres, de certaines
malédictions palpables. Je sais pourquoi Mueller
murmure. Je sais qui il redoute & quel visage en
son crâne se dessine. Car on raconte souvent que
le fiable se trouve partout dans le désert, il a
le luxe de la patience & il attend, il attend la
venue de quiconque & il se trouve toujours là où
quiconque se trouve, perdu, déambulant n’importe
où, à la recherche de Dieu sait quoi. Un fiable,
c’est un nom qu’on donne aux diables des pays ou
des contrées exacts. Un vrai diable peut choisir
d’apparaître où il l’entend, dans le ciel de qui
que ce soit, dans les méninges de n’importe quel
homme sur terre, dans l’eau laiteuse de tous les
yeux sans exception. Un fiable, c’est un diable,
bien sûr, mais un diable de petite envergure, un
diable incapable de se déplacer à sa guise, l’un
de ceux qui a strictement besoin d’un lieu exact
ou de circonstances précises pour apparaître. Un
fiable est un diable qui est tombé des cieux, ou
de la pupille d’un sage qui aura su le défaire :
en tombant ce diable s’est tordu le dos & les os
& le regard aussi mais rien de tout cela ne peut
se voir à l’oeil nu. Le diable s’est aussi cassé
les sons, voilà pourquoi ce diable est devenu un
fiable. C’est du moins ce que raconte la légende
que tout le monde connaît, y compris Mueller. Le
fil de son murmure s’est détendu. Pour l’instant
aucun fiable n’est sorti de sable pour le vouter
ou le séduire. Le sable est lisse & par endroits
percé de rocs calcaires semblables à des ongles.


mardi 9 avril 2013 - vendredi 3 mai 2024




↑ 1 Lapsus clavier, écrit e-rêves.

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Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).

Livres : Vers Velvet (Pou, Histoires pédées, 2020). Accident de personne (Othello, réédition 2018) · Le Chien du mariage (traduction du recueil d'Amy Hempel, Cambourakis, 2018) · Mondeling (avec Junkuu Nishimura, publie.net, 2015) · Coup de tête (publie.net, 2013, réédité en 2017) · Accident de personne (publie.net, 2011) · Livre des peurs primaires (publie.net, 2010) · Qu'est-ce qu'un logement (publie.net, 2010)