Il n’y a presque plus d’essence dans la voiture. Les types auxquels tu tentes d’échapper sont des monstres humains avec des lunettes de soleil en plastique (et pourtant il fait nuit). L’un d’entre eux, tu le connais, il t’a dit salut sur le parking avant que tu décampes, tu l’as aimé peut-être, oui, non, tu ne l’as pas aimé, tu rêvais quelque chose. Toujours est-il que ces types (qui ne sont plus les mêmes types, ils ont changé d’identité et de physionomie, d’ailleurs tu ne te trouves plus dans une voiture mais sur une colline très abrupte, caché dans des buissons, derrière des branches) te traquent, ils en veulent à ta vie. Te traquent au sol, tu les observes depuis ta position privilégiée, en altitude. S’ils te chopent ils te buteront comme des snipers, mais de plus près. Tu envisages pendant un temps de remonter par derrière, passer par le transformateur mais la topologie a de nouveau changé. Tu dévaleras la pente dans leur dos, tu esquiveras les chiens et les loups et tu planeras avec tes mains ouvertes et tes deux bras tendus pour atterrir directement devant la porte de la banque. Les portes automatiques s’ouvriront. Tu t’engouffreras à l’intérieur, où tu feras sauter la bombe que tu portes tatouée sur le corps.

Une autre coquille lue dans le Manuel de survie à l’usage des incapables. Noir est devenu Gris, et vice et versa, le temps d’une phrase (c’est de la schizophrénie extérieure).

Le soir avec H. pour La Bonne Âme du Se-Tchouan de Bellorini où les comédiens chantent les chœurs, c’est-à-dire que les silhouette graffitées sur les murs des décors chantent les chœurs, et notamment deux putes, dont un homme, le pianiste, Lacrimosa sur les murs, éclaboussé, franchement c’était beau. Le bruit des rideaux de fer ouverts, fermés, de la pluie synthétique sur la scène et la tôle, le bruit des plantes de pieds du porteur d’eau qui courrait sur lui-même (c’est-à-dire sur place, c’est-à-dire sur son ombre) sous le projo bouillant, plus tard perché au sommet d’un escalier à hélice fil de fer, la scène sous le rideau puis la scène derrière le rideau, quand Shen Té se change devant nous, et l’articulation du mot entracte dans la bouche de la fiction encore en cours, et comment nous avons été accueilli, au début de la pièce, par le corps fixe du porteur d’eau, qui s’appelle Wang, pieds nus, assis dans le coffre encastré, une bouteille en plastique pour jongler, une radio et Nina Simone, je crois, enfin c’est ça que j’ai vu, car oui le porteur d’eau, qui s’appelle Wang, éclaboussé sur les murs et pieds nu sur la scène, torse nu sous sa veste de survet : putain son corps est une machine.


vendredi 13 décembre 2013 - samedi 4 mai 2024




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Article publié Article 040424 GV il y a 14 heures
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Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).

Livres : Vers Velvet (Pou, Histoires pédées, 2020). Accident de personne (Othello, réédition 2018) · Le Chien du mariage (traduction du recueil d'Amy Hempel, Cambourakis, 2018) · Mondeling (avec Junkuu Nishimura, publie.net, 2015) · Coup de tête (publie.net, 2013, réédité en 2017) · Accident de personne (publie.net, 2011) · Livre des peurs primaires (publie.net, 2010) · Qu'est-ce qu'un logement (publie.net, 2010)