Je retombe dans mes travers. Comprendre : ne plus faire le marché, sortir le moins possible, acheter du plastique. C’est qu’il fait chaud. Ce qui est, en réalité, une façon de penser proche de celle qui consiste à se dire : il fait trop chaud, je vais mettre la clim’, comme ça il fera moins chaud. Et, dehors, c’est-à-dire au-delà de la clim’, c’est l’emballement. Là, c’est pareil, c’est l’emballement. Il fait chaud, j’ai besoin de manger des trucs frais, par exemple des salades, mais je n’ai pas le temps de les préparer (pas le temps de préparer une salade ?) alors je les achète sous plastique. Donc les fabricants de trucs en tout genre qui utilisent du plastique continuent à utiliser du plastique, c’est-à-dire donc du pétrole. La fin du monde touche à mes doigts quand je mets ces trucs dans mon caddie de supermarché (qui n’est pas un caddie, et qui n’est pas un supermarché, preuve que cette idée est morte née). Mais moi, je n’ai jamais prétendu sauver le monde. Et je ne veux surtout pas être l’un de ces écrivains qui disent tout haut moi, ma façon de m’engager, c’est d’écrire. Ils feraient mieux de laisser là l’écriture, qui n’a rien demandé à personne, et de s’engager pour une quelconque cause humanitaire si c’est là ce qu’ils souhaitent faire. Moi, ma façon d’être c’est d’écrire. Ma façon de m’engager, c’est de ne pas m’engager. C’est-à-dire attendre. Par exemple que la chaleur passe, si elle doit passer. Là, entretien vidéo avec Claire Larsonneur et Erika Fülöp sur l’écriture, le numérique, les auteurs, l’édition, la vie des livres (et au-delà). À un moment, une question réellement cruciale concernant nos usages : quid des archives ? De nos textes hors ligne mais aussi en. Sauvegardes, sous différentes formes ? On s’en remet à des clouds qui nous dépassent parce que c’est plus sécurisant (sauvegardes permanentes, fiction de ne jamais perdre le moindre gramme de nos données), mais que maîtrise-t-on là-dedans ? Hasard : le soir-même (conséquence à notre conversation ?), la synchro d’Ulysses avec Icloud bugue. Et tout apparait en cours de chargement, c’est-à-dire ailleurs, et donc pas là. Sueurs froides (en réalité non, j’ai toujours la possibilité de revenir aux versions d’hier ou d’avant-hier). Mais quand même. Il se passe quoi ? On maîtrise quoi ? Et pendant qu’on se parle de littérature, je reçois un message étonnant. Voilà ce que je peux lire : la présence de la création littéraire contemporaine est marginale dans les politiques générales des bibliothèques. Et pendant que j’en suis à essayer de comprendre les effets et implications de cette phrase (un bout de phrase en réalité), le PSG finalise un accord avec son équipentier Nike jusqu’en 2032, soit, à 80M€ par saison, un accord à un milliard. Et Neymar serait vendable à condition d’y mettre le prix, à savoir 300M€. Et le Barça serait prêt à acheter conjointement Neymar et Griezmann (ce qui n’a juste aucun sens sportivement parlant). Et alors là on se dit ce que s’est dit Maria Soudaïeva dans ses Slogans : TANT PIS POUR LA FIN DU MONDE. Voilà qui a du sens. Alors que, Neymar + Griezmann (+ Messi), ça n’a pas de sens. Tout comme, à l’époque, Figo + Zidane + Beckham, ça n’avait pas beaucoup de sens (ils ont tout de même gagné un titre). Qu’est-ce qui avait du sens en 2018-2019 ? L’Ajax d’Amsterdam. Mais l’Ajax d’Amsterdam, c’est déjà fini. Du moins cette Ajax-là. Ils se font piller (comprendre, acheter à coup de millions d’euros) leurs jeunes. Des jeunes qui peuvent ensuite snober le PSG, ou le Barça, pour négocier des salaires supérieurs à ceux qu’on leur promet ailleurs, ainsi que des clauses de départ, aux alentours de 150M€, pour leur permettre d’envisager partir avant même d’arriver. Il faut se dire quand même qu’il y a des supporters dans le monde qui se détournent de leur club de cœur pour supporter de petits clubs amateurs qui pratiquent encore un football sain. Je ne sais pas si tu imagines ça. Ils se détournent de leur club de cœur, ce qui est juste contre-nature dans le monde du football. On a qu’un cœur, on a qu’un club. Un mari ou une femme, ça va ça vient, mais il n’y a qu’un seul OM, un seul PSG, une seule ASSE. C’est donc le plus haut degré de renoncement possible à ce stade. Si on lit ce texte en diagonale, on se dit quoi ? Qu’il convient de boycotter le football, comme il faudrait boycotter le plastique ou la création contemporaine en bibliothèque ? Je ne crois pas. Je crois qu’au fond, ce qui converge, c’est la question du sens. Il n’y en a pas. C’est sans doute pour ces raisons que, dans Morphine(s), on prévoit la faillite du football professionnel. Précisément à cause de ces conneries. Derrière, le foot lui-même a disparu. On s’en remet à de nouvelles formes sportives comme, par exemple, des duels de paintball sur des trains en mouvement. Au moins, c’est authentique. Et quelque part, ça a du sens en tant que discipline parce que, viscéralement, ça n’en a pas. Ça n’a tellement pas de sens que, comparativement à ce qui en a eu un jour et n’en a plus aujourd’hui, ça en a. Ou, pour le formuler autrement, disons que quitte à ce que les choses qui comptent dans notre vie n’aient pas de sens, autant que ce soit là leur fonction première depuis le début. Là, 475 mots d’Eff sauvés sur 2051, puis 580 sur 1423, soirée légèrement perturbée par le fait qu’à un moment donné (mais tout va bien, tout va bien), j’ai roulé sur Poulpir.


dimanche 28 juillet 2019 - vendredi 26 avril 2024




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Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).

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