Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit et bien sûr cette phrase est fausse pour au moins quatre raisons. 1) Contrairement à ce qu’elle laisse entendre et la sensation qui était la mienne alors, je n’ai pas pas dormi, j’ai simplement passé mon temps à osciller entre sommeil et éveil, avec possiblement de longues nappes de brouillard passées dans le sommeil léger, et (trop) peu de sommeil profond. 2) Mes yeux étaient bien fermés, bien qu’ils n’aient pas besoin de l’être pour ne pas dormir (l’un n’étant pas la conséquence de l’autre). 3) La nuit n’était nulle part insufflée en moi alors : nous étions séparés d’elle par des murs, une fenêtre, un drap, une couette, un masque conçu pour un avion que je ne prendrai pas, des paupières donc. 4) Tout particulièrement dans le temps spécifique menant vers l’envers du jour, je n’existe pas. Force est de constater qu’au réveil, le temps s’est bien écoulé : nous sommes le seize. Nous sommes le seize, et c’est ce moment rare dans l’année ou un rayon du soleil sait traverser le salon pendant quelques minutes, par le jeu de réverbération de la lumière dans les fenêtres de l’immeuble en face. Pouplir s’en fiche. Mais le fantôme de Soupir non. C’est là donc qu’il se met pour dormir, comme quand il était en vie. Et partout où je me tourne (c’est-à-dire peu) je m’attends à voir apparaître le visage de Rod Sterling s’apprêtant à narrer cet épisode de ma vie qui me conduit à empiéter sur le territoire de... la Twillight Zone. Mais c’est peut-être tout le contraire : le fantôme, et si c’était moi ? Voilà qui expliquerait pourquoi je suis en haillons. C’est une hyperbolle, je ne suis pas en haillons. Mais je suis habillé comme quelqu’un qui n’entend pas sortir (ça tombe bien, c’est prévu) : après avoir vu que mon pantalon était troué à plusieurs endroits, après que Tartelette a fait intrusion dans l’armoire un jour et s’est défoulée sur mes vêtements (sans doute pour une très bonne raison d’ailleurs, mais inconnue de moi), j’ai fait l’aquoibonniste et me suis dit tant pis. Si je suis un fantôme, qui je hante ? Ce journal ? La phrase qui m’a servi de lancement était fausse. D’autres le sont également. Étant viscéralement fausses, elles se rapprochent le plus de ma conception de la justesse (sinon de la vérité vraie). On pourrait croire à la lecture de ce journal que je suis confiné ; il n’en est rien. Je ne suis pas soumis à l’immobilité, je suis en mouvement permanent, bien que ne bougeant pas. Je n’arrête pas d’aller et de revenir, en quelques fractions de seconde à peine, de mon appartement parisien à un serveur à Grenoble où sont stockés ces quelques mots. Hier, j’étais en train de marcher dans la Valley of Stone avec Alys, Chaz, Hahn et le magicien Rune pour trouver un antidote à une malédiction qui transforma les hommes en pierre. Avant-hier j’alternais entre un 442 à plat, un arbre de noël et un 4231, sans succès, pour faire d’une équipe médiocre en Ligue 2 une équipe de Ligue 2 moyenne. Et puis, bien sûr, l’antre (l’entre) de la Quatrième dimension... Rien n’est fixe donc. Stable. Sans T. Tout est (de) sable.


samedi 16 mai 2020 - vendredi 3 mai 2024




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Guillaume Vissac est né dans la Loire un peu après Tchernobyl. Éditeur pour publie.net entre 2015 et 2022, fondateur en 2023 du laboratoire d’édition Bakélite, il mène également ses propres chantiers d’écriture et de traduction, principalement en ligne (mais pas que).

Livres : Vers Velvet (Pou, Histoires pédées, 2020). Accident de personne (Othello, réédition 2018) · Le Chien du mariage (traduction du recueil d'Amy Hempel, Cambourakis, 2018) · Mondeling (avec Junkuu Nishimura, publie.net, 2015) · Coup de tête (publie.net, 2013, réédité en 2017) · Accident de personne (publie.net, 2011) · Livre des peurs primaires (publie.net, 2010) · Qu'est-ce qu'un logement (publie.net, 2010)