Ça m’a frappé alors que je marchais dans une rue non pas déserte mais ponctuée d’X voitures passantes (confinement de façade) : non que l’on pouvait maintenant déterminer pour quoi ça valait le coup de risquer la mort (la sienne mais surtout celle des autres), comprendre travailler, ou pour quoi ça ne valait pas le coup de risquer quoi que ce soit, comprendre vivre ; mais que nous vivions désormais dans les années vingt. Les années vingt, c’est donc marcher masqué dans une rue en direction du U ou de la Poste, réaliser qu’on a oublié de remplir son attestation de déplacement dérogatoire sous l’état d’urgence sanitaire, sortir son téléphone portable, remplir un formulaire sur une page gouvernementale d’un pouce, d’un pouce la valider, télécharger un pdf attestant qu’on avait rempli cette attestation, dérogatoire donc, et repartir faire ce qu’on était parti faire à l’origine sans sourciller (déroger sans doute). Quand, dans le futur, on se rappellera cette époque (par exemple pour se dire : en ce temps-là, si tu te faisais tabasser par un flic et que tu le filmais faire, c’est toi qui était en tort, comme le prévoit la loi actuellement en examen à l’Assemblée), on se dira c’était comme ça dans les années vingt. Vertige.