Tout est une histoire de communication. Quand tu lis les posts instagram de la Maison de la poésie de Rennes, tu sais de suite qui les écrit. Il y a un ton, une approche. Mais il y a aussi la musique (et la musique, ça ne ment pas). Quand tu lis ce que t’envoie la SNCF, sous couvert d’un autre nom tendance qui n’est pas la SNCF mais qui ne trompe personne, tu as envie de te tirer une balle : Les billets pour les fêtes arrivent le 3 octobre, soyez le premier ! Avec un lien pour ajouter cet évènement à ton agenda et donc te lever à l’aube ce jour-là pour faire partie des premiers (comprendre : payer le moins cher possible après l’ouverture des billets). J’avais une collègue chez STAT qui faisait ça. Et probablement que je le ferai aussi, pour la première fois de ma vie, tellement le prix du train a pris des proportions dantesques (lunaires, dirait C.). La mort de Chirac, c’est de la communication. Je veux dire, ce qui est fait autour de la mort de Chirac, alors que tout le monde a déjà oublié un type comme Chirac, à commencer par lui, c’est de la communication. Là dans un documentaire sur France 3 : Chirac, c’est Indiana Jones égaré en politique. On n’aimerait pas vivre dans la tête du type (c’est sans doute un type) qui a écrit une phrase pareille. Sur un autre plateau, et sur une autre chaîne, dans une émission qui s’intitule Zemmour et Nauleau : spéciale Jacques Chirac (ça fait froid dans le dos) : « C’était un aventurier, quand même. — Ah oui ! — Ah oui ! » Dans les fictions médicales, films ou séries, les images qu’on nous montre pendant une opération d’une endoscopie, qui révèlent l’intérieur du patient opéré, c’est de la communication. Et ce qu’on soigne dans le corps de la personne est une métaphore ou une image dans le récit qu’on tente de raconter dans cet épisode. Mais les images elles-mêmes, si elles semblent réelles, c’est qu’elles le sont probablement. Il y a donc quelque part des hôpitaux qui vendent au kilomètre des bandes d’images internes (dans tous les sens du terme) de personnes bien réelles. Ont-elles donné leur autorisation (ou leurs descendants dans le cas où la personne n’a pas survécu) d’apparaître ainsi sur les écrans du monde entier ? De participer de cette communication embrumée qu’est la fiction mainstream ? Le Carnet de bord publie.net, quoi qu’on en dise, c’est aussi de la communication. Est-ce que ce journal, c’est de la communication ? Au sens premier du mot, oui. Mais est-ce de la communication communicationnelle (comme on dit des politiques qu’ils font, ou ne font pas d’ailleurs, de la politique politicienne, sic) ? Si j’étais un bon romancier sachant communiquer, c’est-à-dire si j’étais capable d’identifier des thèmes fort à exploiter et m’y tenir, je transformerai la série des Cravates (possiblement mélangée à la série de courriers de réclamation qui a eu semble-t-il un succès fou ces derniers semaines, enfin, toute proportion gardée) en un roman contemporain français sur le monde de l’entreprise et les vicissitudes de l’open space nation qu’on vous nous refourguer, moyennement forte communication justement. J’y entremêlerais un genre de guide pratique de faire-au-bureau-ce-qu’on-devrait-faire-en-dehors (par exemple lire La Divine Comédie ou le Décaméron, écrire de la fiction généralisée). Et j’appellerais ça Admin admin, comme les log in / mots de passe de nos applications par défaut. Le personnage pourrait s’appeler Amine d’ailleurs. Ce serait drôle et désabusé (enfin surtout désabusé). Ce serait une peinture au vitriol de la vie en entreprise. Enfin, ce serait surtout un livre que je n’aurais aucune envie de lire si je le croisais en librairie (il aurait par conséquent de meilleures chances que n’importe quel autre de marcher).