On dirait que le givre s’immisce entre la ville et nous mais non, c’est une illusion d’optique. Le sol est blanc, blanchi. Le froid est doux et les regards des autres. Tous les autres. Marchaient comme des fantômes, un peu. Au fond, les gens s’habituent très vite à une situation donnée : que cette situation implique de ne pouvoir utiliser les transports en commun qu’aux heures de pointe sur les grandes lignes ou d’ingérer 250g de plastique par an, et d’en faire son beurre. Je pensais à ça (...)

Je ne supporte plus d’être en retard. C’est venu d’un coup. Sans doute est-ce ça qui pèse sur mes cervicales ? Le poids de la culpabilité. Le pire, c’est que ce n’est qu’une culpabilité à l’égard de moi-même. La pire sorte de culpabilité ? Je tâche donc aujourd’hui de remédier à tous les retards. Terminer l’horrible premier jet hempelien qu’il va falloir réinventer mille fois pour en faire quelque chose de bien . Rattraper les 40 fragments d’Ulysse de retard qui attendent depuis des (...)

Pierre Guyotat est mort. Une part de moi considère que j’ai commencé à écrire le jour où j’ai sorti de son rayonnage, dans une librairie du Mans, Éden, Éden, Éden. J’écrivais déjà, j’avais même déjà publié un court texte en revue. Mais à ce moment-là, quelque chose (d’autre) s’est joué. C’était à L’herbe entre les dalles (avant qu’elle déménage, à peine en sortant du vieux Mans, j’ai oublié où elle se trouve à présent) et, d’abord, je ne l’avais pas acheté. Je les avais tous feuilletés : (...)

Lire Nietzsche ! Errer pendant plus d’une heure dans les rayons d’X magasins en quête de pâte de sésame. Elle coûte près de 9€ dans la petite épicerie japonaise qu’il y a en descendant vers Bercy et elle peut être noire ou blanche. Faire du houmous de céleri rave. Déposer des livres dans une boîte à livres. M’intéresser au RLSH 1. Aller chercher du oinf en quantité industrielle pour les bêtes. Ouïr des trucs qui tombent de temps à autre (ne pas m’en inquiéter). M’imaginer écrire (mais (...)

Faire les Ulysse du jour : corvée. Rattraper ceux que je n’ai pas écrits hier : corvée. Reprendre les nouvelles d’Amy Hempel pour les corriger, et réagir aux retours qu’on m’a fait il y a des semaines avant d’en obtenir une nouvelle version prête à être envoyées à l’éditeur : corvée. Reprendre le générique de Grieg pour tâcher de corriger ce qui, dans la navigation entre les images, ne fonctionne pas : corvée aussi. L’erreur que j’ai faite se situe dès le storyboard : ce n’est pas si (...)

Il est toujours un équilibre. Souvent, l’équilibre t’échappe. Suite à une erreur d’agenda à la clinique, j’amène Poulpir un jour trop tôt pour son opération. C’est agaçant pour elle, c’est agaçant pour moi, d’autant que c’est à l’aube. Je dépose de vieux dictionnaires de médecine (jadis j’aurai la passion de collectionner de vieux dictionnaires de médecine) dans la boite à livres qu’il y a là, à Maison Aflort, dans une sorte de cabine téléphonique ayant l’air anglaise bien que ne l’étant (...)

Poulpir m’a mordu ; j’ai une épiphanie. À l’écrire comme ça, on a le sentiment que c’est corrélé, en réalité pas. C’est la magie du montage. Monter, c’est mentir ? Mentir, c’est subir ? Subir, c’est tromper ? Peu importe à ce stade. L’épiphanie était : il suffit en réalité de prendre tes textes les uns après les autres dans leur ordre chronologique d’écriture pour les réinventer. Voilà ce que je fais avec Mueller. Mais pas comme je le pensais. Ni où. Je me disais, cinq ans après, je vais (...)

Il faudrait pouvoir travailler sur la notion de rushs. Pour un projet X ou Y, tu te livres à un premier jet volontairement très volumineux. Je pense à Eff et à ses 500 000 mots (comment ne pas y penser ?). Cette matière, tu la retouches le moins possible, le strict minimum : corrections, rendre le texte lisible. Ensuite tu confies ces rushs à X personnes différentes (minimum deux), auteurs aux parcours variés (romanciers, poètes, nouvellistes, éditeurs, etc.). Chacune de ces personnes a (...)

La plus belle forme d’incipit qui soit est sans doute à trouver dans Pétrole, dont la note nous apprend que ce roman n’a pas de début. Travaillant à Eff, je me souviens m’être livré à des calculs d’apothicaires pour trouver la part du premier jet à garder, quitte à sacrifier tout le reste, par exemple en calculant le taux d’écrémage d’Ok Computer. Il aurait suffi de prendre Flaubert en exemple et ne garder que 10 % du manuscrit, soit 50 000 sur les 500 000 mots d’origine. Ça me va. Dans le (...)

J’ai eu pour projet un temps de lire tout Pynchon dans le sens de la marche. Je reprends à Mason & Dixon, qu’à cause du titre je prenais pour un roman sur un cabinet d’avocats dans les années quatre-vingt. Je n’étais pas prêt mentalement au 18e siècle et au chien qui parle. Et puis à force de remettre aux calendes grecques le report des notes d’une première lecture (partielle) d’Eff quelque part, est arrivé ce qui devait arriver : la Kobo sur quoi j’ai cueilli les passages à conserver (...)