Hier je me croyais dimanche et aujourd’hui c’est samedi. Dormi d’une traite six heures, ce qui est mieux que cinq mais moins bien que sept. Ce matin après plusieurs jours de violence urbaine après l’exécution à bout portant par un flic d’un ado de dix-sept ans les tendances Twitter sont : #chaos, #emeutes, #GIGN, #GuerreCivile, accompagnés des lieux concernés. Au milieu de tout ça : #Darty. À la télévision : la désespérance [s’aggrave]. Dans la presse nationale : des militants de la mouvance radicale ont rejoint les jeunes des quartiers, dont ils veulent se rapprocher, pour participer aux violences urbaines. Mais enfin qu’est-ce que ça veut dire, des militants de la mouvance radicale ? Soudain je me dis : il me faudrait un tout petit réveil, avec une toute petite heure, très peu luminescente, sans doute car je fais le point migrainique semestriel et qu’avec le nouveau taf spectrien et l’émiettement du sommeil tout est en hausse (nombre de crises, douleur, durée). Ces chiffres étant publics, ils pourraient entraîner la chute brutale du cours de mon action, si d’aventure mon activité intracrânienne était cotée en bourse. Ce n’est pas le cas. Simenon ¹ : Les rues, le soir, surtout les étroites, étaient comme des souterrains dans la ville et on avait l’impression de se faufiler sous la vie des autres dont on croyait entendre le ronflement. En allant au U, j’ai vu faire ce vieil homme, debout sur un escabeau côté rue : tailler son bouleau à moitié tombé sur son mur, et qui donc dépassait jusqu’au trottoir, obstruant en hauteur l’espace public sans pour autant toucher au macadam, comme s’il s’était fait sanctifier par la foudre. À ma connaissance, il n’y a pas eu d’orage ni même de vent violent sur P. ces jours. Alors quoi ? Le poids de son poids aura eu raison de lui ? Au retour, j’ai mis des gants et j’ai déplacé les branchages laissés en plan hier à d’autres endroits (certains faits pour ça, d’autres non). Ça n’avait pas beaucoup de sens de faire ce que je faisais, notamment parce que tout n’est pas fini de tailler dans cette haie branchée, et aussi car tout ce que je coupe repousse, et tout ce que j’ai coupé ira à son pourrissement, et contribuera à produire d’autres pousses, ici ou ailleurs alors, à la place de poursuivre ces basses œuvres, continuant tout de même à décharner la haie, je suis allé écrire quelques mots, pas ceux-là, d’autres, de la fiction, et on peut considérer que ça n’a pas beaucoup plus de sens, pour précisément les mêmes raisons.