Michel Volkovitch - Fuir est une pulsion

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1er septembre 2014

Il n’est malheureusement toujours pas possible de se brancher un écran 13 ou 14 pouces Eink pour pouvoir travailler sans se faire mal, au yeux, à ce qu’il y a de l’autre côté de nos yeux, à ce qu’il y a encore au-delà, mais il est possible de moduler les réglages de l’écran du Macbook (je le fais depuis longtemps maintenant) et d’utiliser des applications annexes comme Nocturne qui permet de rendre l’écran monochrome, de masquer par exemple la barre supérieure inactive (et donc d’effacer (...)
100814
3 septembre 2014

Nous rentrons à Paris sous une pluie permanente, de l’eau grise, une pluie de plancton. Plus tard, deux ou trois heures après notre arrivée, une espèce d’orage mou, une pluie torrentielle, multidirectionnelle : des nuées, de la poussière de pluie, de la vapeur en suspension. Presque rien dans le frigo, mangeons ce qu’une petite boulangerie qui ne paye pas de mine a à nous offrir. Pour assombrir encore un peu plus l’écran du Mac en marche, par dessus l’application Nocturne, je colle (...)
140814
7 septembre 2014

Des gens, à la table voisine, prenaient la Lucy. Ils avaient une gélule seulement pour eux quatre, et ils se la passaient, humide de leurs langues, directement dans la bouche du suivant. C’était un baiser qui a fait le tour du cercle trois ou quatre fois, avec la gélule qui fondait par étapes sous leur chaleur partagée, la poudre passait lentement à travers. C’était un acte très sensuel, un processus fascinant qui, me semblait-il, se passait derrière un voile de gaze. Peacock parlait, je (...)
180814
12 septembre 2014

D’autres lieux de restauration ont fermé ce week-end, certains ont rouvert. C’est le cas de la boulangerie du coin de la rue, je vais là. 9.50€ la formule tarte, dessert, boisson, très bien, c’est le même prix qu’à l’oloé habituel, mais la tarte n’est pas servie avec une salade ici, ni même avec un morceau de pain, et lorsque tu plantes ta fourchette à l’intérieur les ingrédients se dissolvent et retrouvent leur intégrité propre, déconnectée des autres : chacun se sépare de la pâte à la (...)
190814
13 septembre 2014

Je me suis réveillé attaché par des lanières à un lit. C’est l’hôpital de Corfou, chez les dingues. J’ai froid. J’ai mal à tout mon corps. On dirait que j’ai refait une crise. Dans ma bouche, entre les dents, j’ai un morceau de caoutchouc. Je pleure sans arrêt, sans bruit, sans un sanglot. Pas moyen de m’arrêter. Je me sens comme une balle de coton avec deux petites fontaines qui coulent. J’ai peur qu’ils m’aient donné du baintotal. Je ne sais pas ce qui m’est arrivé. Le baintotal, ils (...)
200814
14 septembre 2014

Tu sais ce que ça fait d’être entre leurs mains, dans cet abattoir qu’est la salle du conseil de guerre, sans un seul endroit pour poser les yeux ? D’être entouré par ces visages indifférents qui sont pressés de te liquider pour aller bouffer, alors que toi tu es si plein, si lourd de tendresse et de désespoir ?
Chrònis Mìssios, Toi au moins, tu es mort avant, traduction Michel Volkovitch, Publie.net
Ici, d’accord c’est plus grand qu’à l’oloé habituel, fermé jusqu’à la fin de cette (...)
230814
18 septembre 2014

La dictature entre dans son deuxième mois. On est encore en plein dans l’inconnu, la peur amplifie les nouvelles, meurtres, tortures, délations, les propage à la vitesse de l’éclair, semant la panique. Ceux d’entre nous qui ont pu fuir essayent d’établir des contacts, d’organiser un début de résistance. On m’a informé qu’au 4 de la rue se cache encore un clandestin. Je suis venu le rencontrer. Le calme de la rue, ces gens simples pris par leurs tâches quotidiennes, l’odeur de terre (...)
250814
18 septembre 2014

Des putain de douleurs cervicales au réveil mais ça va : suffit de pas trop pivoter la tête à gauche. Un peu plus tôt ou tard, je termine Toi au moins. Après le livre et la postface il y a un truc qui s’appelle « Journal de bord du traducteur » qui te permet de voir : de voir comment le texte a pu glisser d’une langue à l’autre. C’est la littérature avec l’échafaudage encore dessus, ça permet de savoir comment le texte (et, au-delà du texte, la langue qui le porte, l’habite) tient debout. (...)
011214
18 décembre 2014

Ils nous ont dit, en nous autorisant à écrire cette lettre, qu’il nous est interdit d’être « poétiques » dans le style. Je crois que la surveillante a voulu dire hermétiques, parce qu’elle a précisé que la condition sine qua non pour que cela vous parvienne à vous est que les surveillants de la section Censure puissent comprendre ce que nous disons, et aussi ce que nous essayons réellement de dire (a-t-elle dit), du premier jusqu’au dernier mot. Je vais donc m’employer à être directe, (...)
090715
26 août 2015

Alkmini est une femme qui depuis l’âge de vingt-six ans s’attendait à mourir devant sa porte, car un médecin du siècle précédent lui avait trouvé une maladie de cœur, or un cœur malade — en quoi exactement, elle ne le sut jamais exactement, le médecin était vague et pompeux, la réponse fut donnée seulement quand elle mourut et il n’est pas sûr qu’elle avait encore besoin de savoir —, un tel cœur selon lui pouvait s’arrêter à tout moment, quand elle était à sa porte, par exemple, à regarder (...)

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